AGAMBEN: Qu’est-ce qu’un dispositif?

[Il y a des notes de lecture en bas de la page se rapportant aux extraits soulignés dans le texte par moi]

Qu’est-ce qu’un dispositif ? de Giorgio Agamben

éd.Rivages poche, 2007.

Comment combattre la machine gouvernementale capitaliste qui mène le monde vers la catastrophe ?
Comment redonner à notre époque le sens de la politique alors même qu’elle s’est laissée vaincre par la seule économie, c’est-à-dire « une pure activité de gouvernement qui ne poursuit rien d’autre que sa propre reproduction » ?
A l’heure où chaque citoyen ordinaire, n’ayant jamais été aussi docile et soumis, est en même temps pour les gouvernants le plus grand terroriste potentiel, il est de la plus grande urgence d’agir sur les dispositifs modernes du capitalisme et du pouvoir.
Agir sur ces dispositifs, c’est d’abord savoir les identifier et les définir. D’où la question que soulève Giorgio Agamben : qu’est-ce qu’un dispositif ? Retraçant la généalogie théologique de ce terme, remontant de son sens foucaldien à ses origines chrétiennes (le terme grec oïkonomia), en passant par le terme de positivité présent dans la philosophie du jeune Hegel et le Gestell heideggerien, Agamben propose la définition élargie suivante : « j’appelle dispositif tout ce qui a, d’une manière ou d’une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres
vivants ».
Sur la base de cette définition, force est ensuite de constater que les dispositifs modernes, à la différence des dispositifs traditionnels, ont par leur prolifération suscité une dissémination, un éclatement de la subjectivité. Ils ont transformé le citoyen en sujet spectral. La démultiplication contemporaine des dispositifs a développé à l’infini et disséminé la subjectivité (l’utilisateur de téléphone portable, le passionné de tango, l’auteur de récits, l’internaute…). Ainsi, parvenu à cette phase de développement extrême du capitalisme qu’est notre époque, le grand danger présent des dispositifs est la dépossession de soi-même, la disparition de la liberté elle-même dont ils se sont emparés de manière douce et sournoise.
Le problème devient alors : « De quelle manière pouvons-nous donc nous opposer à cette situation, quelle stratégie devons-nous adopter dans notre corps à corps quotidien avec ces dispositifs ? » Face au mirage de la jouissance confortable que nous promettaient et nous promettent encore les dispositifs modernes, dispositifs qui ne font en réalité que nous séparer tous les jours un peu plus de nous-mêmes, la tâche de reprise en mains s’impose. Rejetant à la fois la solution de la destruction et celle, jugée trop naïve, d’un simple meilleur usage, Agamben préconise la profanation.
Mais qu’est-ce que profaner ? C’est précisément agir sur les dispositifs afin de les rendre à l’usage libre de l’homme. « La profanation est le contre-dispositif qui restitue à l’usage commun ce que le sacrifice avait séparé et divisé. » Aliénés par les dispositifs, il nous faut nous les réapproprier et combattre ainsi les processus de désubjectivation qui les accompagnent. C’est là la condition sine qua non de la possibilité d’une vie libre dans un monde qui ne serait pas devenu irrémédiablement inhumain. Profaner donc pour combattre la domination des dispositifs et le règne de la religion capitaliste. Profaner pour redonner tout son sens à la politique, cet effort d’hommes libres pour
vivre ensemble. Profaner pour libérer la pensée.
PS: Je n’ai pas trouvé l’auteur de cette présentation sur le livre.
AGAMBEN_Dispositif

Notes (persos) pour soulever quelques questions préalables à la lecture du livre:

« il est de la plus grande urgence d’agir sur les dispositifs modernes du capitalisme et du pouvoir » –
Je n’aime pas cet appel aux urgences une fois que ce sentiment s’est déjà emparé de nos esprits par les manipulations des affectes, surtout par le biais de l’instrumentalisation médiaco-politique des attentas terroristes déroulés à Paris.

Une autre pondération c’est cet impératif sur l’action cibler les dispositifs du capitalisme en soi. Je me demande si c’est possible d’agir SUR ces dispositifs. Ou peut-être agir SOUS les dispositifs, malgré eux… en sens envers, à contre-courrant, vers d’autres directions, par d’autres moyens… Puisque ma tendence c’est plutôt s’en débarasser [des dispositifs], de les rendre absolètes en cherchant créer des voies et moyens alternatifs, faire de notre precarité matérielle une contrainte créative pour fonder d’autres bases, éthiques, où il n’y aura pas de place pour des dispositifs de ce genre prendre le dessus. Enfin, il faut lire puisque le concepte de dispositif chez Agamben semble toucher un espectre large…

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