Archive for the ‘ZAPATISMO’ Category

HOLLOWAY & MILLÁN: Pensamiento Crítico y Revolución

lundi, juillet 13th, 2015

Conversatorio Bolívar Echeverría: Pensamiento Crítico y Revolución

Programa:

Miércoles 20 de mayo de 11:00 a 14:00 hrs.
Bolívar Echeverría: crítica latinoamericana de la modernidad capitalista

Ponentes: Stefan Gandler y Sergio Tischler / Modera: Alfonso García Vela

Jueves 21 de mayo de 11:00 a 14:00 hrs.
Bolívar Echeverría: crisis y alternativas a la modernidad capitalista

Ponentes: Márgara Millán y John Holloway / Modera: Mina Lorena Navarro

Viernes 22 de mayo de 11:00 a 14:00 hrs.
Bolívar Echeverría: derivas para un pensamiento crítico latinoamericano

Ponentes: Javier Sigüenza, Diana Fuentes y Raquel Gutiérrez Aguilar / Modera: José Javier Contreras

Instituto de Ciencias Sociales y Humanidades « Alfonso Vélez Pliego »

Casa de la Aduana Vieja, auditorio “B”
2 Oriente 409, Centro Histórico, Puebla.

HOLLOWAY: entrevista ‘Buen Vivir’

lundi, juin 29th, 2015

Esta entrevista a John Holloway se realizo en marzo del 2012 com parte de las actividades del Primer Encuentro del Buen Vivir

 

BASCHET: Nous faire mondes face à l’hydre du capitalisme criminel

samedi, juin 27th, 2015

La version espagnole de ce texte a été lue lors du séminaire « La pensée critique face à l’hydre capitaliste », organisé par l’EZLN (Oventic – San Cristóbal de Las Casas, Cideci-Unitierra, du 3 au 9 mai 2015).

descarga audio en espagnol
50:28 – vidéo de l’itervention au séminaire

Il serait bien insuffisant de me contenter de remercier l’EZLN pour l’invitation à ce séminaire si opportun, qui, ces jours-ci, ne fait que commencer. Ce dont je voudrais, plus profondément, remercier les zapatistes c’est, sur le plan personnel, de m’avoir offert l’opportunité, la possibilité de transformer ma vie et, de manière plus générale, d’avoir ouvert, pour tous et toutes, l’une des brèches les plus lumineuses qui existent dans le sombre monde d’aujourd’hui. De sorte qu’ils nous permettent non seulement d’entrevoir ce qu’il pourrait y avoir derrière le mur mais aussi de nous approcher, de toucher et de sentir la force sensible de la vie digne qu’ils font croître, déjà, de ce côté-ci du mur.

Ce furent des journées inquiètes et enthousiastes. Depuis la réception de l’invitation-défi à ce séminaire [1], je n’ai cessé de me demander : qu’est-ce donc que les zapatistes voient venir et dont personne ne se rend compte ni ne parle ? Cette tempête terrible qui vient comme « la catastrophe unique » que regarde l’ange et qui n’est rien d’autre que le progrès, c’est-à-dire le progrès dans l’avancée dévastatrice de l’hydre capitaliste.

Cela fait longtemps que nous savons que la catastrophe est là et que nous vivons au milieu d’un désastre que les zapatistes ont dénommé Quatrième Guerre mondiale, une guerre du capitalisme contre l’humanité [2]. Et on se demande ce qui pourrait être pire que la nuit d’Iguala dans laquelle nous nous trouvons plongés depuis le 26 septembre dernier, faisant nôtres la douleur et la rage des parents et des camarades des absents d’Ayotzinapa. Beaucoup doutent qu’il puisse y avoir quelque chose de plus terrible que ce qui est déjà. Mais les zapatistes nous rendent le service de partager avec nous l’avis de tempête : grimpé en haut du mât, ils voient s’approcher une tourmente plus brutale encore que celle que nous avons éprouvée jusqu’ici.

L’invitation-défi à ce séminaire nous demandait de remettre en question notre capacité à accomplir, depuis la pensée critique, notre tâche de guetteur des évolutions du monde. Elle nous suggérait de nous secouer pour vérifier si nous n’étions pas à demi endormis. Elle nous invitait à recommencer à scruter l’horizon pour tenter d’observer ce que les pièges de l’attention sélective pouvaient laisser caché. Elle nous priait de tenter d’apporter des pensées que nous n’avions pas déjà pensées précédemment. Et cela n’a rien d’aisé.

J’avancerai en doutant de chaque mot. Je parlerai en posant des questions, même s’il n’y a pas de signe d’interrogation.

Visages connus, têtes nouvelles…

Outre l’exploitation, la dépossession, la discrimination et la répression, l’avancée de l’hydre capitaliste provoque une triple dévastation (s’agit-il de sept têtes ?) : dévastation de la nature (au point que les conséquences de la destruction de la biosphère, et en particulier celles du changement climatique global, seront un paramètre sans cesse plus déterminant pour toute forme de pensée et d’action), dévastation des formes de vie (qui sont, très exactement, ce que les peuples, indiens et non indiens, défendent en même temps que leurs territoires), dévastation intérieure (en nous-mêmes). Le capitalisme est la société la plus pathologique qui ait jamais existé dans l’histoire de la planète Terre. Avec son haleine toxique, avec le feu brûlant qu’elle crache et les déjections qu’elle laisse sur son passage, l’hydre sème maladies et mort pour les végétaux, les animaux et les humains (c’est-à-dire pour les animaux non humains et pour les animaux que nous sommes et qui nous disons humains). Ce sont des maladies du corps qui prolifèrent comme jamais, tels que cancers, désordres endocriniens et bien d’autres. Mais ce sont aussi des maladies de l’esprit, de l’âme, du cœur, comme la dépression, l’impossibilité d’être, le vide au plus profond de soi. Crise de la présence, disent certains [3]. Bon nombre de ces pathologies sont des folies provoquées par l’Argent : obsession pour la consommation et pour les marchandises ; obsession de se conformer aux modèles de la réussite professionnelle et sociale. Hypertrophie aiguë, voire hyperaiguë, de l’ego, qui détruit certaines capacités fondamentales des êtres humains, comme celle de l’écoute ou l’art de faire avec d’autres. Obsession de la compétition, qui imprègne de la conviction pratique que pour être il faut se hisser au-dessus des autres (ce qui fait, par exemple, que de jeunes Chinois seraient disposés à se livrer à des manipulations génétiques pour peu qu’elles leur garantissent des enfants plus beaux, plus intelligents et assurés d’avoir une place à l’université d’Harvard !). Bien sûr, il y a aussi la nécessité de satisfaire les exigences sans cesse plus pressantes et pesantes du travail — ou de la recherche d’un travail — qui multiplient stress, dépression, burn out et jusqu’au suicide dans l’entreprise. Une autre maladie, provoquée par l’overdose des écrans de toutes sortes qui prolifèrent dans les espaces domestiques et privés, est la distraction structurelle et l’incapacité à fixer son attention. Ou encore l’incapacité à être vraiment là où nous sommes (puisqu’il faut être en même temps ailleurs), ainsi que d’autres troubles encore dont, selon le diagnostic précis dont nous a fait part la Compagnie Tamèrantong !, même les enfants souffrent à des âges de plus en plus précoces.

Le caractère pathogène de la société capitaliste fait partie intégrante de la guerre que nous subissons, bien souvent sans nous en rendre compte. Il fait partie de son caractère criminel. C’est l’un des points où cette guerre atteint notre âme, notre cœur, notre ch’ulel, pour les détruire, pour effacer toute possibilité d’une vie digne et ainsi pouvoir plus aisément continuer à exploiter, déposséder et dominer les peuples du monde.

Ces têtes-là de l’hydre — quatre plus trois — nous les connaissons de longue date. Je vais maintenant, non sans risque, tenter d’évoquer deux têtes particulièrement menaçantes et peut-être un peu plus nouvelles, même si leurs visages sont loin d’être inconnus. Je dirai plus loin dans quelle perspective je choisis ces deux-là.

Il s’agit de réfléchir à des phénomènes qui atteignent au Mexique des proportions particulièrement dramatiques mais qui sont mondiaux. Je me réfère à l’essor de l’activité économique illicite et d’un capitalisme criminel — c’est-à-dire plus criminel encore, si cela est possible, que celui qui passe pour légal et respectable. Un capitalisme criminel-criminel. Bien entendu, la séparation entre économie légale et illégale est de moins en moins nette. C’est si vrai que, depuis 2013, les États-Unis et plusieurs pays de l’Union européenne ont décidé d’inclure les revenus du trafic de drogue et de la prostitution dans les statistiques officielles du PIB !

Aujourd’hui, les activités illicites (drogues et autres trafics) représentent une partie de l’économie mondiale qu’il est difficile de chiffrer précisément mais que l’on peut estimer autour de dix pour cent du PIB mondial (les estimations varient entre cinq pour cent et quinze pour cent). Plus significatif encore, leur croissance actuelle est extrêmement rapide, favorisée par l’internationalisation et la dérégulation de l’économie néolibérale. De fait, il faut inclure parmi les effets avérés de la reconfiguration néolibérale du capitalisme le fait d’avoir créé les conditions structurelles d’une croissance accélérée des activités illicites et criminelles.

Les drogues comptent désormais parmi les trois marchandises les plus importantes en terme de profits, avec les armes et le pétrole. Les circuits de blanchiment d’argent créent des flux massifs qui alimentent de manière significative le système financier international. L’ensemble des activités illicites est ainsi devenu indispensable à une économie mondiale par ailleurs fragile : lui retirer cet apport de dix pour cent aurait des conséquences catastrophiques.

Au-delà de ces données, il pourrait être utile de chercher à mieux comprendre le rôle que ces secteurs jouent dans l’ensemble du système capitaliste.

a) Ils ont une fonction de contention face à la décomposition sociale provoquée par les politiques néolibérales. Celles-ci multiplient les populations « superflues » qui, ne trouvant ni travail ni aucune place dans la société, peuvent être aisément happées par les réseaux du crime organisé, comme c’est le cas au Mexique. Sous d’autres modalités, en Europe, comme ailleurs aussi, on constate que dans certains quartiers populaires, dévastés par de nombreux problèmes dont le premier est le chômage (jusqu’à cinquante pour cent parmi les jeunes), les divers trafics, de drogue ou autres, constituent l’une des rares manières permettant de survivre. C’est la raison pour laquelle les politiques publiques ne peuvent faire autre chose que de simuler une lutte pour « restaurer l’État de droit », car chacun sait que l’élimination effective de l’économie parallèle provoquerait une explosion sociale incontrôlable. Partout, drogues et activités illicites sont devenues indispensables pour contenir les effets de la décomposition sociale provoquée par le capitalisme néolibéral.

b) On sait aussi que, dans certaines régions, notamment là où abondent les ressources naturelles (minerais ou autres), la violence du crime organisé peut être instrumentalisée, afin de faire régner la terreur, de faire en sorte que les habitants abandonnent leurs territoires et, ainsi, de vaincre les résistances à la dépossession et à l’exploitation [4]. De manière générale, la violence non institutionnelle peut être utilisée comme une façon de contribuer au gouvernement de tous par la peur, mais aussi de réprimer ou d’éliminer ceux qui s’organisent et s’opposent aux avancées de la domination capitaliste.

c) La drogue est la marchandise parfaite, presque la quintessence du capitalisme. Au moment où prédominent les facteurs de crise de la production légale, les drogues permettent des taux de profits extraordinaires (non seulement du fait de sa prohibition, mais aussi grâce à la surexploitation de la main-d’œuvre, travaillant souvent en condition de quasi-esclavage, tant dans les cultures que dans d’autres domaines d’activités, comme les mines clandestines, nombreuses notamment au Mexique). C’est une marchandise presque idéale : n’oublions pas qu’un secrétaire d’État à l’Agriculture, sous la présidence de Vicente Fox, n’avait pas hésité à donner en exemple aux paysans mexicains les cartels de la drogue, fort habiles, argumentait-il, à s’insérer dans les marchés nationaux et internationaux…

C’est la marchandise parfaite également dans la mesure où elle attire grâce à son énorme pouvoir de séduction : elle promet plaisir, transgression, réalisation et dépassement de soi. Pour certains cercles des élites, elle est devenue un moyen indispensable pour soutenir les exigences de l’hyperactivité et de la soif de succès. C’est encore la marchandise parfaite en ce qu’elle provoque une dépendance à l’égard de la consommation, soit exactement ce que la forme actuelle du capitalisme cherche à généraliser. En bref, elle séduit par ses promesses de liberté et ce qu’elle apporte en réalité, c’est la dépendance et la destruction : c’est très précisément ce qui définit, en général, la marchandise capitaliste. La drogue est donc l’expression la plus manifeste et la plus dramatique de la soumission de la vie à la logique de la consommation : une fois créée la dépendance, commence l’enfer de vivre pour trouver l’argent nécessaire pour se procurer la dose suivante, au point d’être prêt à tout et à tout trahir, valeurs et amitiés comprises.

En résumé, se combinent dans les usages actuels des drogues les traits les plus saillants de la société de la marchandise : profits extrêmes pour quelques-uns, surexploitation brutale pour d’autres, culte de l’argent pour tous, dépendances consuméristes, destruction de la vie.

Je vais maintenant me risquer à évoquer l’État islamique (ISIS ou Daech, selon les différents noms qu’on lui donne). C’est une question difficile et j’hésitais à le faire. Car tout cela se passe fort loin d’ici et dans un contexte qu’il est impossible de démêler en quelques minutes. Mais soudain, la participation de nos camarades kurdes à ce séminaire a raccourci les distances. Il faut dire aussi qu’ici même, dans les séminaires de chaque jeudi, au Cideci-Université de la Terre, nous avons suivi, semaine après semaine, la bataille de Kobané et la résistance des combattants kurdes du Rojava face à l’État islamique, et nous avons aussi discuté les comparaisons que certains ont commencé à tracer entre la construction de l’autonomie zapatiste et le confédéralisme démocratique qui croît au Kurdistan [5].

Je ne peux pas parler de l’histoire, récente et moins récente, qui a conduit à la croissance de l’organisation dénommée État islamique, mais on ne peut pas ignorer la lourde responsabilité des puissances impérialistes européennes, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, et, au cours des dernières décennies, celle des États-Unis, dont les interventions en Irak (guerres de 1991 et de 2003, occupation militaire jusqu’en 2011) ont conduit le pays à la décomposition dans laquelle il s’enfonce actuellement [6]. Contrôlant désormais la moitié de l’Irak et la moitié de la Syrie, l’État islamique a proclamé en juin 2014 le « califat » qui prétend constituer un État transnational, ayant vocation à s’installer dans toute la région, et jusqu’en Afrique et en Europe. Les exécutions par décapitation, diffusées via Internet, ne sont que la partie la plus visible de la terreur. Se multiplient, de manière moins médiatique, les massacres des populations chrétiennes et yézidies, mais aussi de musulmans, y compris sunnites, qui n’acceptent pas de se soumettre à l’autorité de l’État islamique (par exemple, en août 2014, l’exécution de sept cents personnes d’une tribu sunnite).

L’État islamique a opéré comme une force clairement contre-révolutionnaire, non seulement au Kurdistan mais aussi en Syrie, où la guerre civile a fait, depuis 2011, deux cent cinquante mille morts, huit cent mille blessés, trois millions de réfugiés et sept millions de déplacés (dans un pays qui compte seulement vingt-trois millions d’habitants). En Syrie, le printemps arabe avait déclenché une insurrection contre la dictature de Bachar el-Assad, soustrayant à son autorité la moitié du pays et formant, dans ces territoires, des comités locaux de villages et de quartiers qui ont su inventer des formes d’organisation populaire autonomes [7]. Mais cette révolution s’est heurtée à différents adversaires : non seulement la bestialité d’Assad, qui n’a pas hésité à utiliser des armes chimiques contre son peuple, mais aussi l’État islamique qui, moyennant d’autres formes de terreur, a récupéré le contrôle d’une grande partie des territoires que la révolution avait soustraits à l’État syrien.

Y aurait-il quelque parallèle à tracer entre la violence du crime organisé devenu État et l’État devenu criminel au Mexique, et celle du fondamentalisme religieux [8] fait État parallèle en Irak et en Syrie ? Il ne saurait s’agir de se livrer à de lugubres comparaisons entre des formes de cruauté extrême, mais plutôt d’analyser ces deux réalités comme autant de modes de déploiement d’ennemis systémiques. Pas antisystémiques, mais bien systémiques. Pour trois raisons au moins.

Dans les deux cas, ce qui se construit est l’ennemi parfait dont le pouvoir a besoin pour tenter de se (re)légitimer. Le Pouvoir a toujours besoin d’un Grand Ennemi terrifiant contre lequel il nous promet sa protection. Plus cet ennemi incarne la barbarie absolue, plus le Pouvoir peut prétendre avoir une raison d’être. De sorte qu’aussi bien le crime organisé que l’hyperfondamentalisme religieux, dans la mesure même où ils mettent en scène la violence extrême à laquelle ils ont recours, jouent à la perfection leur rôle de Grand Ennemi (sans pour autant qu’il soit nécessaire de penser que « quelqu’un » leur dicte le scénario qu’ils doivent suivre).

Le rôle que le Pouvoir revendique suppose de réussir à convaincre que lui et ses ennemis représentent des contraires absolus : la civilisation contre la barbarie ; l’État de droit contre l’illégalité ; autrement dit, le Bien contre le Mal. Mais, en réalité, ils sont l’expression du même. Il n’est pas nécessaire d’insister sur la fusion entre État et crime organisé que la nuit d’Iguala a rendu si manifeste. Quant à l’État islamique, il se présente comme la force qui va libérer les musulmans de la domination occidentale, de sa corruption et de son impiété. Cependant, il ressemble beaucoup à ses ennemis proclamés. C’est une entreprise prospère qui, depuis sa mainmise sur les puits de pétrole du nord de l’Irak, bénéficie de revenus de l’ordre d’un million de dollars par jour. Sa fortune globale est estimée à deux milliards de dollars, ce qui lui permet d’entretenir une armée de trente mille hommes [9]. Comme n’importe quelle firme transnationale, Daech publie chaque année, sur papier glacé, un luxueux rapport d’activités, rempli d’élégants graphiques et de statistiques. Sauf qu’ici ces batteries de ressources visuelles sont déployées (par exemple pour 2013) pour détailler 7 681 opérations militaires, parmi lesquelles sont distinguées 4 465 attentats à l’explosif, 537 à la voiture piégée, 160 opérations suicides, sans oublier 1 083 assassinats, etc. Tout cela pour démontrer la bonne santé de l’entreprise État islamique et son professionnalisme, en assumant les codes formels du succès corporatif, afin d’attirer les investissements de généreux hommes d’affaires saoudiens. Daech se présente donc comme la pureté de l’Islam face à l’Occident, mais n’est en fait qu’une expression de plus du monde de l’argent transnationalisé. Dans le même temps, loin de représenter la tyrannie de l’obscurantisme face à laquelle l’économie de marché et les démocraties occidentales ressemblent à un paradis, il est « un produit collatéral barbare de la globalisation capitaliste » (T. Konicz). Ou, peut-être, pas même « collatéral »…

Les forces dont il est question ici sont aussi des ennemis systémiques dans la mesure où elles permettent de canaliser et de neutraliser les énergies d’une jeunesse laissée à l’abandon par le capitalisme néolibéral. C’est le cas du crime organisé, au Mexique et ailleurs, qui utilise ces jeunes comme chair à canon, comme esclaves parfois et aussi comme consommateurs, contribuant aussi à l’essor massif du phénomène des « juvenicides ». C’est le cas de l’État islamique qui, comme d’autres organisations, recrute des djihadistes dans tous les pays arabes, ainsi qu’en Europe, où il attire quelques centaines de jeunes issus de l’immigration (mais aussi quelques convertis de fraîche date à l’islam) qui ne se sentent nullement intégrés, ni par un travail auquel ils n’ont pas accès ni par un mythe républicain plus qu’agonisant. Il est affligeant de voir ces vidéos diffusées par Internet dans lesquels ces jeunes gens, entraînés dans la logique du djihad, menacent les infidèles (et, pour eux, ce terme vise aussi les musulmans qui ne se rallient pas à leurs thèses et ne se réjouissent pas de la mort des chrétiens) : « Tuez-les, égorgez-les. Brûlez leurs voitures, brûlez leurs maisons. Le Califat va s’installer dans toute l’Europe. » Telle est la voie qu’ils adoptent pour tenter de sortir du non-sens d’une survie misérable dans un monde où il n’y a nulle place pour eux, un monde qui les exclut et les méprise. Ce qui est pathétique, c’est que l’impulsion par laquelle ils cherchent à échapper à la négation de leur existence les jette sur un chemin qui n’est pas moins dépourvu de sens, déshumanisant et criminel. À la destruction systémique, ils répondent par une destruction qui en est le reflet et, qui plus est, lui sert à se maintenir. Le plus désolant est de constater qu’ils trouvent, dans cette cause-là, une raison de donner leur vie, ce qu’ils font effectivement, vivant leur geste comme un sacrifice rédempteur, un accès à un semblant d’existence, dans et par la mort.

C’est en cela aussi que le crime organisé et le fondamentalisme religieux dans ses formes les plus extrêmes sont, l’un comme l’autre, des ennemis systémiques. Ils contribuent à faire en sorte que les sources d’une colère légitime, accumulée dans le monde de la destruction qu’est le capitalisme, soient déviées vers des fins systémiques, au lieu de venir fortifier les processus antisystémiques.

Comment parviendrons-nous à combattre l’hydre dans la mesure où ces têtes encore plus terribles [10], qui sont déjà particulièrement menaçantes dans certaines parties du globe comme le Mexique et le Moyen-Orient, se feront de plus en plus grandes ? Il faut revenir à l’hydre elle-même pour avancer dans l’analyse du problème.

Les hydres aussi pleurent…

Il s’agit de déterminer si, en dépit de sa force chaque fois plus destructrice, le monstre ne souffre pas de maladies, visibles ou invisibles, comme celles que d’anciens, ou moins anciens, docteurs, spécialisés en hydropathologie, diagnostiquent comme « contradictions internes » ou « limites » et qui font souffrir l’hydre, peuvent la paralyser et peut-être même provoquer sa mort — mais sur ce dernier point, les avis des savants divergent. Je crois qu’on peut comprendre ce séminaire, qui commence tout juste, comme une invitation à rouvrir, entre nous et avec d’autres, le débat sur la crise, afin d’actualiser, d’affiner et d’approfondir nos analyses, en incluant l’histoire clinique qui a conduit le patient à son état actuel [11].

On pourrait dire, de manière synthétique, que le capitalisme dispose actuellement de trois centres vitaux. Le premier est l’exploitation du travail, qui produit de la valeur à travers la production de biens matériels et de services marchandisés. Le second est l’accumulation par dépossession [12] qui, pour pouvoir exploiter ce qu’on appelle des ressources naturelles, multiplie les attaques contre les territoires, ce qui provoque des résistances croissantes, tant au Mexique (où les peuples indiens sont particulièrement affectés, notamment par l’avancée sans cesse plus agressive des activités minières) qu’en Europe, qu’il s’agisse des ZAD en France ou de la lutte No TAV en Italie — luttes qui s’opposent à des projets d’infrastructures, énergétiques ou touristiques, non seulement inutiles mais aussi et surtout destructeurs et illégitimes.

J’évoquerai surtout le troisième centre vital, celui du capital financier, dont on sait qu’il s’est développé au cours des dernières décennies de manière inédite, au point que les deux autres centres lui sont désormais subordonnés. De fait, il est important de souligner qu’au-delà de la reconfiguration du rôle de l’État (qui combine affaiblissement dans certains domaines et capacité d’action plus décidée dans d’autres), le néolibéralisme a au moins deux caractéristiques fondamentales. La première est la création effective d’un marché mondial, qui instaure de nouvelles conditions de compétition pour les capitalistes eux-mêmes et pour les travailleurs, avec des conséquences désastreuses pour les salaires et les conditions de travail et de vie. La seconde est la mise en place méthodique — et pour bien des aspects, depuis l’État lui-même — des conditions d’une expansion inédite du capital financier, c’est-à-dire de marchandises qui ne sont rien d’autre que des titres de propriété ou des titres de dette [13]. Ce n’est pas le lieu de décrire les invraisemblables mécanismes qui permettent d’amplifier et de soutenir les profits résultant de l’essor du capital fictif. L’un des plus élémentaires et des plus massifs est l’augmentation spectaculaire des dettes des États qui, en trois décennies, sont passées d’une moyenne de l’ordre de vingt pour cent du PIB aux environs de quatre-vingt-dix à cent pour cent de celui-ci, sans parler des cas qui excèdent largement ce taux, non seulement en Grèce mais aussi, notamment, au Japon (deux cent vingt pour cent). Un premier effet de cette situation est de transformer en rente pour les détenteurs du capital une part croissante des budgets publics. Par ailleurs, la conséquence évidente est une dépendance étroite des États vis-à-vis des marchés financiers (d’où, entre autres, le rôle nouveau des agences de notation, qui permet que la moindre des décisions prises par un État, si elle est jugée négativement, peut provoquer une augmentation immédiate des taux d’intérêt et, ainsi, contribuer à étrangler un peu plus encore le pays concerné). Il y a là un puissant mécanisme de domestication, qui tend à rendre impossible toute tentative sérieuse de s’écarter de l’orthodoxie néolibérale.

Pourquoi une expansion aussi disproportionnée du capital financier a-t-elle eu lieu ? Il serait tout à fait insuffisant de considérer que cela n’est dû qu’à l’avarice sans limite et à la frénésie spéculative de quelques banquiers et autres acteurs opérant sur les marchés. Présenter les choses ainsi conduit certains à penser qu’il serait possible de revenir à un capitalisme productif, plus sain, voire de mettre un frein, depuis le pouvoir d’État, à la voracité perverse de la finance. Nombreux sont ceux qui déterminent leur stratégie politique sur cette base. C’est donc un enjeu d’extrême importance que de souligner que l’essor du capital fictif a des raisons plus profondes.

La première est que l’économie capitaliste a un besoin impérieux de croissance. L’hydre est terriblement vorace et ne peut contenir son appétit. La taille de l’économie mondiale a été multipliée par dix au cours du dernier demi-siècle et cette expansion implique une quantité sans cesse croissante de capitaux en quête d’investissement. Bien qu’elle augmente, la production de biens et de services est insuffisante pour absorber des masses d’argent aussi phénoménales. C’est l’une des raisons pour lesquelles le secteur financier s’est développé comme un nouveau champ d’investissement, un indispensable Eldorado pour l’argent en quête de toujours plus d’argent.

Mais cela implique un sérieux problème car la croissance dans le capitalisme n’est pas linéaire mais exponentielle. Pour vivre, l’hydre a besoin de dévorer et de dévorer encore, de croître et de croître sans cesse davantage. Son corps monstrueux est en train de couvrir la totalité de la terre. Ainsi, elle nous étouffe, mais il se peut qu’elle en arrive à s’étouffer elle-même, trouvant de moins en moins aisément de nouveaux terrains à dévaster, de nouveaux horizons vers lesquels croître. Si l’on doit sans doute se méfier — en dépit même de son efficacité — de l’argument selon lequel un système fondé sur une croissance exponentielle dans un monde limité serait, pour cette seule raison, condamné à la mort, on peut prendre en compte le fait que l’une des difficultés les plus sérieuses qui affectent l’hydre est un problème de taille, un problème d’échelle, un problème d’excès.

Par ailleurs, les profits dans le secteur de la production tendent à se réduire. Du fait des innovations technologiques et de l’automatisation de la production, le travail nécessaire pour produire une marchandise se réduit sans cesse, de sorte que la valeur produite diminue, malgré le fait que la production augmente en quantité. De plus, une compétition mondiale féroce réduit toujours plus les marges des entreprises. Les rythmes d’innovation sont sans cesse plus rapides et les cycles de profit plus courts. Et c’est parce que les bénéfices tirés de la production de biens et de services sont tendanciellement insuffisants que d’immenses masses de capitaux n’ont pas d’autre option que de s’orienter vers le secteur financier [14].

Une autre raison encore tient à la contradiction, avivée par les politiques néolibérales, entre un régime de bas salaires et la nécessité de vendre des marchandises en quantité toujours plus abondante. Une solution temporaire a pu être trouvée grâce à l’expansion du crédit, ce qui a également l’avantage d’enclencher un redoutable mécanisme de soumission aux normes capitalistes, sous l’espèce d’un cycle infernal consommation-endettement-travail dans lequel se laissent prendre de plus en plus de familles des classes moyennes et populaires [15]. Mais, pour sophistiqués qu’ils soient, les échafaudages du crédit demeurent fragiles. Ce sont eux, précisément, qui ont commencé à se rompre durant la crise de 2008-2009, dont les États-Unis ont été l’épicentre et dont l’ampleur était restée inconnue depuis celle de 1929-1933. Sa propagation a néanmoins pu être jugulée par l’intervention rapide des principaux États, moyennant des plans de sauvegarde des banques et des grandes entreprises ayant atteint plusieurs centaines de milliards de dollars dans chaque pays. Cette réaction a été efficace, mais la crise n’a pris fin qu’en apparence. Non seulement rien n’a été fait, ou presque, pour remédier aux causes fondamentales de la crise (notamment pour réintroduire des formes de régulation des flux financiers), mais au contraire, les mesures prises n’ont fait qu’amplifier ces causes, en premier lieu en élevant encore le niveau d’endettement des États. En outre, de nouveaux fronts ont dû être ouverts pour soutenir l’expansion du capital fictif, en particulier à travers le rachat massif de dettes souveraines et de titres toxiques par les banques centrales, ce qui tend à affaiblir significativement les instances qui régissent le système de l’argent. Préserver la confiance dans le système financier est une tâche de plus en plus difficile et si les bons du Trésor états-uniens continuent de trouver des acquéreurs ce n’est pas tant parce qu’ils suscitent la confiance qu’en raison de l’obligation dans laquelle se trouvent ceux qui en détiennent (en premier lieu la Banque centrale chinoise) d’éviter leur brutale dévalorisation. Mais, jusqu’à quand ?

L’étape suivante de l’implosion du système financier peut se produire à tout moment. En 2008-2009, les États ont réussi à déployer des mesures efficaces, mais il s’agissait d’une arme à un seul tir, qui ne peut se répéter, dans la mesure où les déséquilibres structurels sont désormais plus sévères encore et mettent en danger la solvabilité des États eux-mêmes. Le scénario d’une extension de la crise du secteur financier vers le secteur productif, qui a été sur le point de se produire en 2008-2009, serait désormais difficile à éviter et les effets en chaîne pourraient atteindre des proportions imprévisibles. Il y aura certainement des tentatives de la part des États et des institutions internationales pour s’opposer à ces tendances et il est possible qu’ils y parviennent en partie, de sorte qu’il faut moins imaginer un effondrement se produisant d’un coup et partout à la fois qu’une série d’affaissements partiels et successifs.

Un point encore : les trois centres vitaux du capitalisme — l’exploitation du travail, l’accumulation par dépossession et l’expansion du capital financier — ont chacun leurs maladies spécifiques. Chacune peut, en elle-même, être curable, mais, dans la mesure où elles se combinent, les difficultés peuvent devenir considérables, à plus forte raison si on prend en compte la dévastation écologique et les effets du réchauffement climatique qui constitueront une dimension de plus en plus déterminante de l’état de fait, au cours des prochaines décennies. Toutefois, si le diagnostic des trois centres vitaux déjà mentionnés indique des problèmes aigus, il existe un quatrième centre vital qui, pour sa part, jouit d’une parfaite santé. C’est celui du capitalisme criminel-criminel, qui autorise des taux de profit remarquables et ne semble pas rencontrer d’autre limite que celle de la destruction totale de la vie.

Dès lors, il n’est pas exclu de se retrouver face au scénario suivant. Trois processus fondamentaux pourraient caractériser une possible transition systémique. D’un côté, iraient s’accentuant les difficultés que le capitalisme rencontre dans sa reproduction, provoquant le blocage progressif de pans entiers du système financier et productif. De l’autre, les options de vie autonomes dont il sera question dans la partie suivante parviendrait à se développer dans des espaces libérés, ou abandonnés à leur sort par la décomposition systémique. Non sans en passer par des phases d’intensification de la conflictualité, ce second processus pourrait tirer parti du premier, tout en participant à son accélération. Mais, en même temps, la situation pourrait être mise à profit par les forces du capitalisme criminel-criminel, sur la base de formes de violence extrême et de relations de production néo-esclavagistes. Les groupes du crime organisé, comme le fascisme ouvert ou déguisé sous des allures religieuses, sont suffisamment armés pour étendre leur contrôle territorial à travers la terreur et pour s’emparer des ressources naturelles et des moyens de production, ainsi qu’ils ont commencé à le faire. Alors, l’affrontement serait entre eux, si bien entraînés à une cruauté sans limite, et nous qui, pour une bonne part, sommes si désorganisés et si enclins aux bons sentiments…

La perspective n’a rien de rassurant, mais elle n’est pas non plus désespérée. Est-il tout à fait impossible de l’emporter sur les forces du capital criminel-criminel ? Non. Des exemples démontrent que l’organisation collective des peuples peut parvenir à leur résister, voire à leur disputer des espaces. C’est, au Mexique, le cas de la police communautaire du Guerrero, comme celui de la commune autonome de Cherán (Michoacán). C’est le cas de la lutte du peuple kurde contre l’État islamique, notamment avec la résistance victorieuse de la ville de Kobané.

C’est peut-être pourquoi le Mexique et le Kurdistan sont deux exemples particulièrement significatifs pour comprendre la tempête qui s’approche. Mais aussi pour comprendre les options et les espoirs qui sont nôtres.

Nos options face à l’hydre

Face à l’hydre capitaliste, nous ne pouvons pas nous contenter de penser comment nous débarrasser d’elle. Il est également indispensable de nous préoccuper de ce que nous voulons construire. Outre les NON de ce que nous rejetons, sont tout aussi importants les OUI des mondes auxquels nous voulons donner consistance, ainsi que l’a souligné l’EZLN au moment d’annoncer, dans les premiers mois de 2013, une nouvelle étape de sa lutte [16]. De fait, on ne saurait perdre de vue le lien entre ces deux versants de la lutte, car si les menaces présentes et à venir obligent à concentrer l’attention sur l’hydre elle-même et les NON qu’on lui oppose et qui permette de résister à ses avancées, les OUI font partie de ce qui donne sens, cœur et énergie à la lutte contre le monstre.

Dans cette perspective affirmative, et encore trop peu visible selon certains, il nous faut faire valoir que nous avons une option propre, qui est résolument anticapitaliste et ne se centre pas sur l’État, c’est-à-dire une option qui lutte pour construire un monde libéré de la barbarie capitaliste, de la dépossession provoquée par l’État, des relations patriarcales et de toute autre forme de domination. Nous avons déjà commencé à récupérer et à donner forme à un imaginaire alternatif, et sans doute vaudrait-il la peine d’œuvrer à le faire savoir davantage. On peut suggérer au moins quatre caractéristiques de cet imaginaire alternatif : a) il est réel, et ses prémices peuvent être éprouvées notamment dans les territoires rebelles zapatistes, même s’il est important, comme l’a souligné ici même le sous-commandant Moisés, de ne pas idéaliser la lutte zapatiste ; b) cet imaginaire est suffisamment différent, dans ses principes, des expériences qui, durant le vingtième siècle, ont conduit les désirs de libération vers de nouvelles formes d’oppression, pour qu’on puisse récuser de manière argumentée la prétention à faire mourir tout projet d’émancipation en 1989 ; c) cet imaginaire alternatif entre en résonance avec d’autres expériences historiques révolutionnaires, comme la Commune de Paris, les conseils ouvriers et paysans en Russie et dans d’autres pays européens, la révolution en Catalogne et Aragon, en 1936-1937, de sorte qu’il revitalise des traditions présentes sur plusieurs continents ; d) cette option est hautement désirable.

Cet imaginaire alternatif qui émerge des pratiques collectives peut se décliner de diverses manières. Je choisirai d’insister brièvement sur trois dimensions [17]. La première est l’autonomie comme principe politique, c’est-à-dire l’invention permanente de formes non étatiques d’organisation politique, dont l’enjeu est d’éviter la reproduction d’une dissociation entre gouvernants et gouvernés. Mais encore faut-il préciser qu’une telle logique d’autogouvernement ne vise pas à gérer par nous-mêmes la réalité systémique produite par l’hydre mais n’a de sens que si elle a pour objet d’organiser les formes de vie qui sont les nôtres, celles que les collectifs d’habitants adoptent hors des impositions du monde de la marchandise. En second lieu, l’élimination de la logique capitaliste implique de nous libérer du productivisme compulsif auquel la nécessité de la valorisation du capital soumet actuellement la planète. Cela implique, de manière plus générale, de nous libérer de l’Économie, c’est-à-dire de la centralité que l’Économie a acquise avec le capitalisme (ce qui fait de ce dernier une aberrante anomalie historique). Il s’agit ici de réintégrer les activités productives dans le tissu de la vie sociale, de les subordonner à la construction du bien vivre pour toutes et tous, dans le respect de la Terre Mère et, concrètement, de les soumettre à des décisions élaborées et assumées collectivement. En troisième lieu, dans la mesure où l’autonomie ne peut se construire qu’à partir de la singularité des lieux, des territoires, des cultures, des expériences et des mémoires, elle donne naissance nécessairement à une multiplicité de mondes, à « un monde où il y ait place pour de nombreux mondes ». Cela implique d’être capable de construire collectivement dans la pleine reconnaissance des différences qui constituent cette multiplicité. Ce principe s’avère vital et implique une autre manière de faire, tant au niveau de l’organisation politique, qui peut être conçue comme une coordination ou une confédération d’entités locales autonomes, qu’en ce qui concerne les relations interpersonnelles. Dans tous les cas, la reconnaissance effective des différences est importante non seulement quand il s’agit de différences modestes, qui nous affectent peu, mais surtout quand il s’agit de différences véritables, c’est-à-dire véritablement différentes, qui peuvent provoquer en nous de l’irritation ou de l’incompréhension.

L’option que nous pouvons choisir de défendre part de la conclusion qu’il est (devenu) vain de tenter de subvertir le capitalisme à partir de ses propres institutions et que les stratégies « graduelles », pour réalistes qu’elles puissent paraître, finissent par épuiser les énergies à des fins qui, en réalité, contribuent à assurer un peu de légitimité au système actuel et, quand bien même il serait possible d’admettre qu’elles obtiennent, dans quelques cas exceptionnels, quelques améliorations au bénéfice de la population, en aucun cas celles-ci ne sont à la hauteur des enjeux du moment historique ni ne nous rapproche d’un iota d’une sortie du désastre capitaliste. C’est pourquoi notre option consiste à construire, ici et maintenant, ce que nous pouvons considérer comme nôtre, ce qui, aussi petit, limité et imparfait soit-il, peut être reconnu comme véritablement nôtre [18]. On peut nommer cela brèche, territoires autonomes, espaces libérés, zone à défendre, commune ou comme on voudra. Il s’agit de récupérer ou de créer des espaces, territorialisés ou non, matériels, relationnels et intérieurs, depuis les plus modestes jusqu’aux plus amples. Notre option stratégique consiste à faire tout notre possible, à engager toute notre énergie pour que ces espaces, ces brèches dans le mode d’existence imposé par la domination capitaliste ne se referment pas et, au contraire, s’étendent, se multiplient, se rencontrent, échangent et s’épaulent dans la lutte contre l’ennemi commun.

Ces espaces ne peuvent pas être considérés comme des îles protégées au milieu du désastre généralisé. Ce sont bien plutôt des espaces antagoniques, attaqués de mille manières afin d’être réabsorbés par l’hydre capitaliste. C’est l’une de ces attaques, que les zapatistes ne cessent d’affronter depuis plus de vingt ans, qui a couté la vie au maestro Galeano, le 2 mai 2014, à La Realidad. Les zapatistes ne cessent de nous expliquer qu’il n’est pas possible de séparer la résistance (pour eux, la construction d’une autre réalité) et la rébellion (l’opposition aux diktats du capitalisme), qu’il est de leur responsabilité de se défendre et de résister aux provocations (agressions violentes de la part d’organisations hostiles et de groupes paramilitaires), en même temps que la construction de l’autonomie continue de se fortifier. Mais les espaces libérés sont antagoniques également parce qu’ils ne peuvent continuer à exister et à croître sans chercher comment avancer dans le combat contre l’hydre. De telle sorte que l’option consiste à construire ce qui est nôtre, c’est-à-dire les mille manières de concevoir nos mondes, et, à partir de là, continuer à attaquer l’hydre, puisque l’objectif n’est autre, comme le sous-commandant Galeano l’a rappelé dans la convocation à ce séminaire, que de « détruire le système capitaliste ».

La dimension des espaces libérés qu’il est possible de déployer dépend de la force collective que nous sommes capables de construire. Il n’est pas inutile de rappeler que la brèche zapatiste n’a pu être ouverte que sur la base d’un soulèvement armé et, donc, de l’effort d’organisation préalable que cela a supposé durant une décennie et davantage encore (même si le sous-commandant Moisés a souligné que, désormais, cette brèche ne peut continuer à croître que sur la base d’une forme de résistance qui implique de ne pas répondre de manière armée aux agressions, pour brutales qu’elles puissent être). Dans d’autres contextes, il semble que notre option consiste à multiplier les collectifs de tous types, les organisations de communautés, de villages, de communes, de régions, en même temps que les convergences pour empêcher de nouvelles matérialisations spécifiques de la marchandisation du monde. C’est indispensable, et il est certainement nécessaire de maintenir et d’approfondir les efforts en ce sens ; mais peut-être les collectifs engagés dans de telles démarches commencent-ils à éprouver qu’ils sont en partie insuffisants. Peut-être la lutte contre l’hydre implique-t-elle de prendre la mesure du monstre dans sa globalité, de cerner la diversité des têtes qui concourent à la domination capitaliste. Peut-être est-il nécessaire d’envisager la possibilité de concerter des actions simultanées, en de multiples endroits à la fois. Cela n’implique en rien une organisation unique et centralisée, ni non plus qu’une action simultanée doive être pensée depuis un seul lieu. Cela implique bien plutôt de construire patiemment les conditions d’une connaissance mutuelle afin de favoriser, le moment venu, l’extension de processus dans lesquels puissent émerger et prévaloir, au milieu de multiples difficultés, un vocabulaire en partie partagé, un sens de la fraternité et de la confiance, une capacité à faire ensemble.

Quand, au milieu de la tourmente qui vient, des mouvements de lutte et des soulèvements de plus en plus nombreux éclateront, nous partagerons tous la responsabilité collective de ne pas laisser passer cette opportunité, de faire en sorte que nous ne soyons pas vaincus par nos ennemis les plus visibles, mais pas davantage par nous-mêmes, soit parce que nous serions incapables de surmonter nos tendances à la division, soit parce que nous laisserions l’impulsion transformatrice être déviée vers des objectifs secondaires ou vers la reproduction des formes de domination dont il s’agit de se libérer. Nous préparer dans cette perspective n’est pas une tâche aisée ; et c’est peut-être à cela aussi que nous invite l’avis de tempête que nous transmettent les zapatistes. Ce qui vient sera probablement la dernière opportunité historique pour libérer la planète Terre de la barbarie et de la destruction.

*

Pour terminer, je vais me risquer à évoquer la Sexta, comme projet de maillage planétaire des résistances et des rébellions (laquelle, bien entendu, ne prétend nullement être le seul projet de ce type). Si elle remonte à la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone, la Sexta a commencé à être nommée de cette manière dans les communiqués du début de l’année 2013, qui ont esquissé les traits de sa nouvelle modalité [19]. La Sexta existe parce qu’existent les organisations, collectifs et individus qui la conformons. Elle existe à travers les initiatives que ceux-ci assument au Mexique et dans d’autres parties du monde, principalement sur le continent américain et en Europe. Par exemple, c’est principalement à la Sexta que s’adresse l’initiative du présent séminaire.

Ma sensation toute personnelle est que, peut-être, la Sexta a réellement commencé à exister ce 2 mai, à Oventic, lorsque Mariano, l’un des enfants du maestro Galeano nous a expliqué que son père lui avait laissé trois familles : sa famille de sang, l’EZLN et… la Sexta. De sorte que la question est : comment ferons-nous, et que ferons-nous, pour correspondre un tant soit peu aux espérances du maestro Galeano ? Peut-être est-ce le moment de commencer à faire exister la Sexta au-delà de ce qu’elle est jusqu’à présent (nous ne savons qu’une chose à ce sujet, qu’il s’agit de cheminer en questionnant). Il pourrait être pertinent de rendre plus visible notre option et de poursuivre la construction de notre force planétaire, la seule qui, à partir de ses milliers d’inscriptions locales particulières, pourra vaincre l’hydre. Il s’agit de continuer à nous rencontrer, à nous connaître, à échanger et à inventer des techniques de chasse contre le monstre (et n’oublions pas : cautériser après avoir coupé).

J’avais une autre fin (avec même des citations bibliographiques), mais je préfère terminer par ces mots : Mariano, puissions-nous un jour être dignes, en tant que Sexta, de ce que tu nous as dit, le 2 mai, à Oventic.

Jérôme Baschet

Notes

[2Sous-commandant Marcos, « La quatrième guerre mondiale a commencé », Le Monde diplomatique, août 1997.

[3Comité invisible, À nos amis, Paris, La Fabrique, 2014.

[6Voir par exemple Pierre-Jean Luizard, Le Piège Daech. L’État islamique ou le retour de l’Histoire, Paris, La Découverte, 2015.

[7Voir Leila Al Shami, « Some thoughts on Siria » (31 avril 2015), Quelques pensées sur la Syrie.

[8L’usage médiatique qui en est fait invite à se défier de la notion de fondamentalisme. Elle peut néanmoins être utilisée, pour peu que l’on précise que les phénomènes qu’elle recouvre diffèrent de ce qu’on peut appeler la religion en général. Il faut encore préciser que ce que l’on évoque ici constitue une forme ultraminoritaire de l’islam et qu’il existe aussi un fondamentalisme chrétien, un fondamentalisme juif et même un fondamentalisme athée. Tandis que la radicalité vise les racines des problèmes pour rechercher une multiplicité possible de solutions, le fondamentalisme affirme qu’il existe un seul fondement, ce qui autorise à nier ou à éliminer ceux qui ne se soumettent pas au principe en question.

[9Voir Tomasz Konicz, « État islamique Inc. ».

[10Une autre est celle de l’autoritarisme raciste de l’extrême droite. En Europe, il forme avec le fondamentalisme islamique un couple de phénomènes qui se répondent et s’entretiennent mutuellement.

[11Plusieurs débats restent ouverts. S’il est impossible de les aborder ici, il conviendrait d’éviter deux postures extrêmes. La première considère que la crise économique n’est rien d’autre qu’un discours, un outil de gouvernance utilisé pour imposer davantage de contraintes (mais l’évidente instrumentalisation de la crise, à des fins de justification des politiques néolibérales, n’implique nullement que celle-ci n’ait aucune existence réelle). La seconde implique une lecture trop immédiate et déterministe de la thèse de la crise structurelle du capitalisme (alors que celle-ci n’adopte pas la perspective d’un effondrement rapide, mais celle d’une bifurcation inscrite dans le moyen terme). D’autre part, il faudrait distinguer dans nos analyses ce qui se réfère à LEUR crise et ce qui concerne la crise qu’ils provoquent en NOUS. Les deux dimensions peuvent s’entremêler et sont également importantes, mais de manières différentes. Si le second aspect est, ou devrait être, une raison de lutter contre la bête, seul le premier relève des faiblesses de l’ennemi.

[12David Harvey, Géographie de la domination, Les Prairies ordinaires, Paris, 2008.

[13Pour l’analyse du capital fictif et des processus qui ont conduit à sa prédominance actuelle sur l’économie productive, voir Ernst Lohoff et Norbert Trenkle, La Grande Dévalorisation. Pourquoi la spéculation et la dette de l’État ne sont pas les causes de la crise, Post-Editions, 2014.

[14Lohoff et Trenkle, ibid.

[15Voir Anselm Jappe, Crédit à mort. La décomposition du capitalisme et ses critiques, Lignes, Paris, 2011.

[16Voir sous-commandants Marcos et Moisés, Eux et nous, Paris, Éditions de l’Escargot, 2013, ainsi que Eux et nous V. La Sexta.

[17Pour plus de détails sur les options avancées ici, J. Baschet, Adieux au capitalisme. Autonomie, société du bien vivre et multiplicité des mondes, Paris, La Découverte, 2014.

[18Ce « nôtre » n’est pas défini de manière abstraite, universelle ; il est ce que chaque collectif, chaque communauté assume en affirmant « ceci est ce que nous éprouvons comme nôtre » (sans que cela implique nulle exclusivité identitaire, nulle fermeture aux autres).

[19Voir note 16.

ZIBECHI: extrativismo na América Latina, manifestações no Brasil e Escuelitas Zapatistas

dimanche, juin 21st, 2015

https://www.youtube.com/watch?v=ar18ngItXuQ

link : aqui

semillero ‘El Pensamiento Crítico frente a la Hidra Capitalista’ – HOLLOWAY

dimanche, juin 21st, 2015

Intervenção de John HOLLOWAY

no semillero

‘El Pensamiento Crítico frente a la Hidra Capitalista’ – día 5

7 de mayo de 2015, CIDECI

John Holloway: el pensamiento crítico frente a la hidra capitalista

¿Reformar el capitalismo o salir de él? Un texto de John Holloway, autor de Cambiar el mundo sin tomar el poder, leído en un encuentro del EZLN.

John Holloway (foto: David Ortega)

John Holloway (foto: David Ortega)

Pensamiento crítico: pensamiento que busca la esperanza en un mundo donde parece que ya no existe. Pensamiento crítico: pensamiento que abre lo cerrado, que sacude lo fijo. El pensamiento crítico es el intento de entender la tormenta y algo más. Es entender que en el centro de la tormenta hay algo que nos da esperanza.

La tormenta viene, o más bien ya está aquí. Ya está aquí y es muy probable que se vaya intensificando. Tenemos un nombre para esta tormenta que ya está aquí: Ayotzinapa. Ayotzinapa como horror, y también como símbolo de tantos otros horrores. Ayotzinapa como expresión concentrada de la cuarta guerra mundial.

¿De dónde viene la tormenta? No de los políticos –son ejecutores de la tormenta nada más. No del imperialismo, no es producto de los Estados, ni de los Estados más poderosos. La tormenta surge de la forma en la cual la sociedad está organizada. Es expresión de la desesperación, de la fragilidad, de la debilidad de una forma de organización social que ya pasó su fecha de caducidad, es expresión de la crisis del capital.

El capital es de por sí una agresión constante. Es una agresión que nos dice todos los días “tienes que moldear lo que haces de cierta forma, la única actividad que tiene validez en esta sociedad es la actividad que aporta a la expansión de la ganancia del capital”.

La agresión que es el capital tiene una dinámica. Para sobrevivir tiene que subordinar nuestra actividad cada día más intensamente a la lógica de la ganancia: “hoy tienes que trabajar más rápidamente que ayer, hoy tienes que agacharte más que ayer”.

Con eso ya podemos ver la debilidad del capital. Depende de nosotros, de que queramos y podamos aceptar lo que nos impone. Si decimos “perdón, pero hoy voy a cultivar mi milpa”, u “hoy voy a jugar con mis hijos”, u “hoy me voy a dedicar a algo que tenga sentido para mí”, o simplemente “no, nos vamos a agachar”, entonces el capital no puede sacar la ganancia que requiere, la tasa de ganancia cae, el capital está en crisis. En otras palabras, nosotros somos la crisis del capital, nuestra falta de subordinación, nuestra dignidad, nuestra humanidad. Nosotros somos la crisis del capital y orgullosos de serlo, estamos orgullosos de ser la crisis del sistema que nos está matando.

El capital se desespera en esta situación. Busca todos los métodos posibles para imponer la subordinación que requiere: el autoritarismo, la violencia, la reforma laboral, la reforma educativa. También introduce un juego, una ficción: si no podemos sacar la ganancia que requerimos, vamos a fingir que existe, vamos a crear una representación monetaria para un valor que no se ha producido, vamos a expandir la deuda para sobrevivir y tratar de usarla al mismo tiempo para imponer la disciplina que se requiere. Pero esta ficción aumenta la inestabilidad del capital y además no logra imponer la disciplina necesaria. Los peligros para el capital de esta expansión ficticia se vuelven claros con el colapso de 2008, y con eso se hace más evidente que la única salida para el capital es a través del autoritarismo: toda la negociación alrededor de la deuda griega nos dice que no hay posibilidad de un capitalismo más suave, el único camino para el capital es el camino de la austeridad, de la violencia. La tormenta que ya está, la tormenta que viene.

Nosotros somos la crisis del capital, nosotros que decimos ¡No!, nosotros que decimos ¡Ya basta del capitalismo!, nosotros que decimos que es tiempo de dejar de crear el capital, que hay que crear otra forma de vivir.

El capital depende de nosotros, porque si nosotros no creamos ganancia (plusvalor) directa o indirectamente, entonces el capital no puede existir. Nosotros creamos el capital, y si el capital está en crisis, es porque no estamos creando la ganancia necesaria para la existencia del capital, por eso nos están atacando con tanta violencia.

En esta situación, realmente tenemos dos opciones de lucha. Podemos decir: “sí, de acuerdo, vamos a seguir produciendo el capital, promoviendo la acumulación de capital, pero queremos mejores condiciones de vida”. Esta es la opción de los gobiernos y partidos de izquierda: de Syriza, de Podemos, de los gobiernos en Venezuela y Bolivia. El problema es que, aunque sí pueden mejorar las condiciones de vida en algunos aspectos, por la desesperación misma del capital existe muy poca posibilidad de un capitalismo más humano.

La otra posibilidad es decir “Chao, capital, ya vete, vamos a crear otras maneras de vivir, otras maneras de relacionarnos, entre nosotros y también con las formas no humanas de vida, maneras de vivir que no están determinadas por el dinero y la búsqueda de la ganancia, sino por nuestras propias decisiones colectivas”.

Aquí en este seminario estamos en el mero centro de esta segunda opción. Este es el punto de encuentro entre zapatistas y kurdos y miles de movimientos más que rechazamos el capitalismo, tratando de construir algo diferente. Todas y todos estamos diciendo “Ya, capital, ya pasó tu tiempo, ya vete, ya estamos construyendo otra cosa”. Lo expresamos de muchas maneras diferentes: estamos creando grietas en el muro del capital y tratando de promover su confluencia, estamos construyendo lo común, estamos comunizando, somos el movimiento del hacer contra el trabajo, somos el movimiento del valor de uso contra el valor, somos el movimiento de la dignidad contra un mundo basado en la humillación. Estamos creando aquí y ahora un mundo de muchos mundos.

Pero ¿tenemos la fuerza suficiente? ¿Tenemos la fuerza suficiente para decir que no nos interesa la inversión capitalista, que no nos interesa el empleo capitalista? ¿Tenemos la fuerza para rechazar totalmente nuestra dependencia actual del capital para sobrevivir? ¿Tenemos la fuerza para decir un “adiós” final al capital?

Posiblemente no la tenemos, todavía. Muchos de nosotros que estamos aquí tenemos nuestros sueldos o nuestras becas que vienen de la acumulación del capital o, si no, vamos a regresar la semana próxima a buscar empleo capitalista. Nuestro rechazo al capital es un rechazo esquizofrénico: queremos decirle un adiós tajante y no podemos o nos cuesta mucho trabajo. No existe pureza en esta lucha. La lucha para dejar de crear el capital es también una lucha contra nuestra dependencia del capital. Es decir, es una lucha para emancipar nuestras capacidades creativas, nuestra fuerza para producir, nuestras fuerzas productivas.

En eso estamos, por eso venimos acá. Es cuestión de organizarnos, claro, pero no de crear una Organización, sino de organizarnos de múltiples maneras para vivir desde ahora los mundos que queremos crear.

¿Cómo avanzamos, cómo caminamos? Preguntando, por supuesto, preguntando y abrazándonos y organizándonos.

§

John Holloway es profesor del posgrado de sociología en el Instituto de Ciencias Sociales y Humanidades “Alfonso Vélez Pliego”, Benemérita Universidad Autónoma de Puebla. Autor de  Cambiar el mundo sin tomar el poder y Agrietar el capitalismo. Este es el texto de la ponencia presentada al Seminario sobre « El Pensamiento Crítico frente a la Hidra Capitalista », organizado por el Ejército Zapatista de Liberación Nacional, San Cristóbal de las Casas, del 3 al 9 de mayo de 2015. Publicado en este blog con la amable autorización del autor.

John Holloway (entrevista): « Podemos o Syriza pueden mejorar las cosas, pero el desafío es salir del capitalismo »

HOLLOWAY: Los otros caminos, la otra historia, la otra politica

dimanche, juin 21st, 2015

EZLN: Seminario “El Pensamiento crítico frente a la hidra capitalista” – día 7

lundi, juin 15th, 2015

9 de mayo de 2015, Cideci

Sábado 9 de mayo. CIDECI. Mañana.

Jean Robert:

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1:08:53

Jérôme Baschet:

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50:28

John Berger (escrito):

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6:07

Fernanda Navarro:

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28:26

Represión en San Quintín, Baja California:

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Subcomandante Insurgente Moisés:

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Comandante Tacho – Clausura:

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Publicado en: Audio, Chiapas, Radio Zapatista

EZLN: Seminario “El pensamiento crítico frente a la hidra capitalista” – día 6

lundi, juin 15th, 2015

8 de mayo de 2015, Cideci

Viernes 8 de mayo. CIDECI. Mañana.

Philippe Corcuff (video):

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Donovan Hernández:

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22:02

Jorge Alonso – Realidad, proyecto, experiencia y anhelo:

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36:12

Raúl Zibechi :

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36:58

Carlos Aguirre Rojas – Revolucionar el poder desde abajo:

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Subcomandante Insurgente Moisés:

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1:11:21

Viernes 8 de mayo. CIDECI. Tarde.

Hugo Blanco (video):

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Xuno López :

descarga  (TSELTAL)
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Juan Carlos Mijangos:

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46:48

Óscar Olivera (video):

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Carlos González:

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49:55

Subcomandante Insurgente Galeano – Etcétera:

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1:26:16
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Publicado en: Audio, Chiapas, Radio Zapatista

EZLN: Seminario “El pensamiento crítico frente a la hidra capitalista” – día 5

lundi, juin 15th, 2015

7 de mayo de 2015, CIDECI

Crónica: Mujeres de pie

Jueves 7 de mayo, CIDECI. Mañana.

Juan Wahren – De dudas y aperturas mentales:

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30:50

Arturo Anguiano – Despojo de lo político y maneras de recobrarlo:

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33:48

Paulina Fernández – Justicia zapatista:

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28:52

Marcos Roitman (escrito):

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32:21

Subcomandante Insurgente Galeano:

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Subcomandante Insurgente Moisés:

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51:24

Jueves 7 de mayo, CIDECI. Tarde.

Daniel Inclán – Pedagogía de la crueldad, o cómo la violencia se hace cotidiana:

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28:19

Gustavo Esteva:

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41:04

Manuel Rozental:

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37:01

Sergio Tischler:

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49:56

Diario Modernindad Democrática, del Movimiento de Liberación Kurda – La modernidad democrática contra la modernidad capitalista (participación escrita):

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25:04

John Holloway:

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31:23

Subcomandante Insurgente Moisés: Resistencia y Rebeldía II (lee aquí):

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53:00
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Publicado en: Audio, Chiapas, Radio Zapatista

EZLN: Seminario “El pensamiento crítico frente a la hidra capitalista” – día 4

lundi, juin 15th, 2015

6 de mayo de 2015 – CIDECI

Crónica: “Con el amor más feroz” luchamos creando

Crónica: Mujeres de pie

Miércoles 6 de mayo. CIDECI. Mañana.

Gilberto López y Rivas:

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41:25

Immanuel Wallerstein – Los movimientos antisistémicos y el futuro del capitalismo (escrito):

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52:41

Pablo González Casanova – Crisis terminal del capitalismo o crisis terminal de la humanidad (escrito):

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29:23

Salvador Castañeda O´Connor:

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45:39

Michael Lowy – El ecosocialismo como alternativa radical (escrito):

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9:28

Subcomandante Insurgente Moisés – Nuestras armas son la resistencia y la rebeldía:

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55:45

Miércoles 6 de mayo. CIDECI. Tarde.

Havin Güneser, Movimiento de Liberación Kurdo :

descarga (ESPAÑOL)
descarga (ENGLISH)
1:25:27

Karla Quiñonez (video):

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Mariana Favela:

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28:07

Silvia Federici (escrito):

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14:54

Márgara Millán:

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20:07

Sylvia Marcos:

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  • 24:41

Comandanta Miriam:

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21:56

Comandanta Rosalinda:

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6:46

Comandanta Dalia:

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13:59

Compañera base de apoyo Lisbet:

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5:06

Compañera escucha Selena:

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8:50

Subcomandante Insurgente Galeano:

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25:14

§
Publicado en: Audio, Chiapas, Radio Zapatista

EZLN: Seminario “El pensamiento crítico frente a la hidra capitalista” – día 3

lundi, juin 15th, 2015

5 de mayo de 2015 – CIDECI

Martes, 5 de mayo. CIDECI. Mañana.

Jerónimo Díaz – Buscando piso: Efectos de la urbarnización neoliberal sobre el Valle de México:

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La urbe contra los pueblos

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http://subversiones.org/archivos/116571

Rubén Trejo – Despojo de los bienes comunes, explotación capitalista y la digna rebeldía de los comuneros:

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31:15

Cati Marielle – Agroecología: defensa del territorio y de los bienes comunes:

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39:13

Álvaro Salgado – Formémonos, movilicémonos y organicémonos:

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32:41

Elena Álvarez-Buylla – La hidra capitalista disfrazada de “ciencia y maíz”:

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30:46

Subcomandante Insurgente Moisés – Lo que nos da la fuerza es que estamos organizados:

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50:25

Martes, 5 de mayo. CIDECI. Tarde.

Pablo Reyna:

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36:59

Tamerantong (video) – Defendemos el lugar de la cultura en nuestras vidas:

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Malú Huacuja del Toro – Los puentes mentales y un dilema (escrito):

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17:04

Javier Hernández Alpízar:

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32:05

Ana Lidya Flores – De hidras, gárgolas, basiliscos y otros dragones capitalistas:

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Subcomandante Insurgente Galeano – Medios, tercios, cuartos. Los medios, las sumas y las restas:

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Publicado en: Audio, Chiapas, Radio Zapatista

EZLN: Seminario “El pensamiento crítico frente a la hidra capitalista” – día 2

dimanche, juin 14th, 2015

4 de mayo de 2015, CIDECI / Universidad de la Tierra Chiapas

Lunes 4 de mayo. CIDECI. Mañana.

María de Jesús de la Fuente C. O’Higgins (leído por Fernanda Navarro):

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Oscar Chávez – “Libertad” es una palabra zapatista:

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Guillermo Velázquez – Ética es dar la pelea:

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Antonio Gritón – Signos y señales: presentación de la Exposición Gráfica “La Hidra Capitalista”:

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19:05

Efraín Herrera:

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13:39

Subcomandante Insurgente Galeano – El método, la bibliografía y un drone subterráneo en las montañas del sureste mexicano:

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53:55

Lunes 4 de mayo. CIDECI. Tarde.

Eduardo Almeida – Vivir en una eticidad en la que cada paso cuenta:

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14:18

Vilma Almendra – Caminar la palabra desde la práctica:

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20:40

María Eugenia Sánchez – Construir presentes dignos:

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30:52

Greg Ruggiero – Ecología, fiebre, compañerismo e insurgencia:

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22:28

Alicia Castellanos – El objetivo es alcanzar todo de lo que se carece:

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Subcomandante Insurgente Moisés – El chiste es no dejarse, hacer, inventar, enfrentar, crear:

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1:24:51
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Publicado en: Audio, Chiapas, Radio Zapatista

EZLN: Seminario “El pensamiento crítico frente a la hidra capitalista” – día 1

samedi, juin 13th, 2015

3 de mayo de 2015 – Oventik / Cideci

Domingo 3 de mayo, Caracol de Oventik (Mañana).

Subcomandante Insurgente Moisés:

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2:14

Comandante David:

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2:13

Palabras videograbadas de padres y madres de normalistas desaparecidos de Ayotzinapa:

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6:32

Doña Bertha Nava, madre de Julio César Ramírez Nava (Ayotzinapa):

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7:34

Juan Villoro:

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24:49

Adolfo Gilly:

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50:20

Subcomandante Insurgente Galeano – “El muro y la grieta: primer apunte sobre el método zapatista” (lee aquí):

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1:02:28

Domingo 3 de mayo, CIDECI (Tarde).

Sergio Rodríguez Lazcano:

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54:03

Luis Lozano Arredondo:

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24:55

Rosa Albina Garavito (audio incompleto… en breve lo actualizaremos):

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Subcomandante Insurgente Moisés – Sobre las elecciones: organizarse (lee aquí):

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44:00
§
Publicado en: Audio, Chiapas, Radio Zapatista

JAPPE: falta um horizonte pós-capitalista

jeudi, mai 21st, 2015

Protestos: falta um horizonte pós-capitalista

Teórico próximo ao zapatismo sustenta: embora valorosas, manifestações recentes não superam, ainda, lógica da mercadoria. Parte da solução requer rever obsessão por consumir, acumular e competir

Por Anselm Jappe

| Tradução: Bruna Bernacchio

 fonte: http://outraspalavras.net/posts/protestos-falta-um-horizonte-pos-capitalista/

Há duas notícias. A boa é que nosso velho inimigo, o capitalismo, parece encontrar-se em uma crise gravíssima. A má notícia é que, neste momento, não se vê nenhuma forma de emancipação social que esteja realmente a nosso alcance; além disso, nada pode garantir que o possível fim do capitalismo resulte em uma sociedade melhor. É como constatar que a prisão em que estamos há muito incendiou-se, mas as fechaduras das portas continuam bloqueadas…Gostaria de iniciar com um recordo pessoal. Visitei o México pela primeira vez em 1982. TInha 19 anos e uma mochila nas costas. Vivia na Alemanha. Naqueles tempos, falava-se do “Terceiro Mundo” e sua miséria; mas outra coisa era descobrí-lo pessoalmente e ver as crianças descalças pedindo esmola na rua. Na Cidade do México, hospedava-me em uma espécie de hotel da juventude, gestionado por uns suiços. Uma noite, ao regressar, muito afetado pela visão da pobreza na cidade, comecei a ler um exemplar da revista alemã Der Spiegel, que estava por ali. Demorei-me em uma grande reportagem sobre o estado da sociedade alemã, que naquele momento, parecia encontrar-se em seu apogeu. A descrição era a mais desoladora: só se falava em depressões, dependências farmacêuticas, famílias desestruturadas, jovens desmotivados e deterioração social. Eu me sentia mergulhado num abismo. Já tinha uma certa experiência da crítica teórica e prática do capitalismo, do qual pensava todo o mal possível. Mas nunca antes havia sentido com tanta força o mundo em que vivemos, um mundo onde alguns morrem de fome, e os outros — os que supostamente estão no lado melhor — são tão infelizes que se entopem de medicamentos ou se matam. Sentia que os pobres são infelizes e os “ricos” também, de forma que o capitalismo é um sofrimento para todos. Entendi que esse sistema, em ultima instância, não é proveitoso para ninguém, que “desenvolver” os pobres para que vivam como os ricos não serviria de nada, e que a sociedade da mercadoria é inimiga da espécie humana.Ao mesmo tempo, em 1982, esse sistema parecia forte, muito forte. Era deprimente considerar a correlação de forças entre quem, de uma forma ou de outra, queria mudar esse sistema; e o sistema mesmo, com o consenso que, apesar de tudo, conseguia manter e com os benefícios materiais que ainda podia distribuir.Hoje, a situação parece ter mudado radicalmente. Nesses dias, na Europa, as instâncias políticas e a mídia descrevem roteiros de possíveis catástrofes, do tipo argentino. Não é necessário comentar mais o fato de que, em todas as partes, percebe-se uma crise do capitalismo muito grave, permanente pelo menos desde 2008. Talvez alguns de vocês já tenham lido a tradução de um artigo meu (1), onde trato de imaginar o que passaria se o dinheiro, todo o dinheiro, começasse a perder seu papel, depois de um colapso financeiro e econômico. O jornal francês mais importante, Le Monde, publicou-o e muitos leitores comentaram. Penso que, há poucos anos, teriam me classificado na mesma categoria que aqueles que veem ovnis…Uma primeira observação importante é que essa crise do capitalismo não se deve às ações de seus adversários. Todos os movimentos revolucionários modernos e quase toda a crítica social sempre imaginaram que o capitalismo seria vencido por forças organizadas, decididas a aboli-lo e a substituí-lo por algo melhor. A dificuldade era vencer o imenso poder do capitalismo, que se instalava tanto nas armas de seus exércitos como no que havia metido nas cabeças das pessoas; mas se isso fosse alcançado, a solução estava ao alcance da mão. De fato, a existência de um projeto de sociedade alternativa era o que, em ultima instância, provocava as revoluções.O que vemos hoje, é a derrubada de um sistema, sua auto-destruição, seu esgotamento, seu colapso. Finalmente, topou com seus limites, com os limites da valorização do valor, que estava em seu núcleo desde o princípio. O capitalismo é essencialmente uma produção de valor, que se representa em dinheiro. Na produção capitalista, só o que permite conseguir dinheiro importa. Isso não se deve principalmente à ganância de uns capitalistas malvados. Deriva do fato de que só o trabalho pode atribuir “valor” às mercadorias. Isso implica que as tecnologias não adicionam um valor complementar às mercadorias. Quanto mais as máquinas e novas tecnologias são utilizadas, menos valor há em cada mercadoria. Mas a competição empurra incessantemente os donos do capital a utilizar tecnologias que substituam o trabalho. Dessa maneira, o capitalismo destrói suas próprias bases, e o faz desde o início. Só o aumento contínuo da produção de mercadorias pode compensar o fato de que cada mercadoria tem cada vez menos “valor”, e portanto também menos mais-valia, conversível em dinheiro. São conhecidas as consequências ecológicas e sociais dessa louca corrida em direção a uma maior produtividade. Mas é também importante sublinhar que a queda da massa de valor não pode ser compensada eternamente e provoca, por fim, uma crise da acumulação do próprio capital. Nas últimas décadas, uma acumulação deficiente tem sido substituída pela simulação através da finanças e do crédito. Agora, essa forma de vida “baixo perfusão” do capital encontrou também seus limites e a crise do mecanismo de valorização parece irreversível.Essa crise não é, como alguns querem acreditar, uma armadilha dos capitalistas, para impor medidas ainda mais desfavoráveis aos trabalhadores e aos que se utilizam de serviços e políticas públicas; para desmantelar as estruturas públicas e aumentar os lucros dos bancos e dos super-ricos. É certo que alguns atores econômicos conseguem tirar grande benefício da crise, mas isso só significa que um bolo cada vez menor se divide em porções cada vez maiores, entre um número mais reduzido de competidores. É evidente que essa crise está fora de controle e ameaça a sobrevivência do sistema capitalista enquanto tal.Com certeza, não significa necessariamente que estejamos assistindo ao último ato do drama iniciado há 250 anos. Que o capitalismo tenha alcançado seus limites – em termos econômicos, ecológicos, energéticos – não significa que vai cair de um dia pra outro, ainda que isso não esteja de todo excluído. É mais realista prever um longo período de declínio da sociedade capitalista, com algumas poucas ilhas por todas as partes, às vezes protegidos por muros, onde a reprodução capitalista ainda funcionaria, e com amplas regiões de terras queimadas, onde os sujeitos pós-mercantis buscariam sobreviver de qualquer forma possível. O traficante de drogas e os que reviram as lixeiras são dois dos rostos mais emblemáticos de um mundo que reduz alguns seres humanos à condição de resto, de gente cujo maior problema já não é ser explorado se não de simplesmente tornar-se supérfula do ponto de vista da economia mercantil, sem ter a possibilidade de regressar às formas pré-capitalistas de uma economia de subsistência, baseada na agricultura e no artesanato. Onde o capitalismo e seu ciclo de produção e consumo deixar de funcionar, não será possível regressar às antigas formas sociais. O risco é entrarmos em novas configurações que combinem os piores elementos das formações sociais anteriores. E não há dúvida de que quem for viver nos setores da sociedade que ainda funcionem vai defender seus privilégios com tudo, armas e técnicas de vigilância cada vez mais aperfeiçoadas. Como uma besta agonizante, o capitalismo pode ainda causar terríveis estragos, não só desencadeando guerras e violências de todo o tipo, mas também provocando danos ecológicos irreversíveis, com a disseminação de organismos geneticamente modificados (OGM), de nanopartículas etc. Então, a péssima saúde do capitalismo é apenas uma condição necessária para o advento de uma sociedade liberada; de nenhuma maneira é uma condição suficiente, em termos filosóficos. O fato de que a prisão está em chamas não nos serve de nada se a porta não abre, ou se abre para um precipício.Implica uma grande diferença com o passado: durante mais de um século, a tarefa dos revolucionários foi encontrar formas de acabar com o monstro. Se chegasse a isso, era inevitável que o socialismo, a sociedade livre – ou qualquer que fosse seu nome – adviria. Hoje, a tarefa dos que foram os revolucionários apresenta-se de maneira invertida: frente aos desastres provocados pelas revoluções permanentes operadas pelo capital, trata-se de “conservar” algumas conquistas essenciais da humanidade e tentar levá-las até uma forma de organização social superior.Agora já não é necessário demonstrar a fragilidade do capitalismo, cujo potencial histórico de evolução se esgotou – e isso é uma boa notícia. Outra boa notícia é que tampouco se deve conceber a alternativa ao capitalismo sob formas que o continuam. Diria que há, hoje, muito mais clareza no que se refere aos objetivos da luta do que há quarenta anos. Felizmente, duas maneiras – muitas vezes entrelaçadas – de conceber o pós-capitalismo, que foram dominantes durante todo o século XX, perderam muita credibilidade, ainda que estejam longe de desaparecer. Por um lado, o projeto de superar o mercado com o Estado, a centralização, a modernização, e de confiar a luta para alcançar esse objetivo a organizações de massas dirigidas por funcionários. Colocar todos para trabalhar era a meta principal dessas formas de “socialismo real”. É preciso recordar que, tanto para Lênin quanto para Gramsci, a fábrica de Henry Ford era o modelo para a produção comunista. Claro que a opção estatal continua tendo seus adeptos, seja sob a forma do entusiasmo em relação a Chávez, ou com o planejamento de mais intervencionismo estatal na Europa. Mas no geral, o leninismo, em todas as suas variantes, teve que reduzir sua influência sobre os movimentos de contestação nos últimos trinta anos atrás, e isso é muito positivo.A outra maneira de conceber a superação do capitalismo sob uma forma que mais parece ser sua intensificação e modernização baseia-se em uma confiança cega nos benefícios das forças produtivas e da tecnologia. Em ambos os casos, a sociedade socialista ou comunista era concebida essencialmente como uma distribuição mais justa dos frutos do desenvolvimento de uma sociedade industrial — aliás, amplamente conservada. A esperança de que a tecnologia e as máquinas possam resolver todos os nossos problemas sofreu golpes severos desde há quarenta anos atrás, devido ao nascimento de uma consciência ecológica e porque os efeitos paradoxais da tecnologia sobre os seres humanos se fizeram mais evidentes. (Gostaria de recordar aqui que Iván Illich, apesar das ressalvas que poderíamos fazer sobre alguns aspectos de sua obra, teve o enorme mérito de colocar em evidência esses aspectos paradoxais, e de quebrar, assim, a fé no “Progresso”).Mesmo a crença de que o progresso tecnológico leva ao progresso moral e social já não assume a forma de exaltação da siderúrgica ou das centrais nucleares “socialistas”, ou do elogio incondicional ao produtivismo; encontrou, porém, uma nova vida nas esperanças frequentemente grotescas que alguns nutrem pela informática ou pela produção “imaterial”. É o que ocorre, por exemplo, em torno do debate atual sobre a “apropriação”, ao qual foram associados, recentemente, os conceitos de “commons” e “bem comum”. É certo que toda a história (e pré-história) do capitalismo tem sido a história da privatização dos recursos que antes eram comuns, como indica o caso exemplar dos cercamentos de terra na Inglaterra, nos séculos XVII e XVIII. Segundo uma perspectiva amplamente difundida, pelo menos no meio da informática, a luta pela gratuidade e o acesso ilimitado aos bens digitais é uma batalha que tem a mesma importância histórica e seria a primeira vez, em muitos séculos, que os partidários da gratuidade e do uso comum dos recursos chegaram a vencer. Contudo, os bens digitais nunca são bens essenciais. Pode parecer simpático dispor gratuitamente da última música ou videoclipe, mas os alimentos, a calefação ou a moradia não estão disponíveis para download. Ao contrário, estão submetidos a uma escassez e a uma comercialização cada vez mais intensas. Compartilhar arquivos pode ser uma prática interessante, mas não é mais do que um epifenômeno, se comparado com a escassez de água potável no mundo ou com o aquecimento climático.A tecnofilia sob formas renovadas parece hoje menos “passada de moda” que o projeto de tomar o poder e constitui, talvez, um obstáculo maior para uma ruptura profunda com a lógica do capitalismo. Porém, propostas como a do decrescimento, o ecosocialismo, a ecologia radical ou o retorno dos movimentos camponeses em todo o mundo indicam, em sua heterogeneidade e com todos seus limites, que uma parte dos movimentos contestatários atuais não creem que o progresso técnico tenha a missão de nos levar à sociedade emancipada. E isso é também uma boa notícia…Portanto, diria que existe atualmente uma clareza maior quanto aos caminhos de uma verdadeira alternativa ao capitalismo. Esboços como os que se apresentaram no seminário realizado em Cideci aos finais de 2009 me parecem totalmente razoáveis (2). Sobretudo, é muito importante não nos limitarmos a críticar apenas a forma ultraliberal do capitalismo — e sim apontarmos nossa crítica para o capitalismo em seu conjunto, ou seja, a sociedade mercantil baseada no trabalho abstrato e no valor, no dinheiro e na mercadoria.Se estamos um pouco mais seguros de que o capitalismo está em crise, e se temos um pouco mais de clareza no que se refere às alternativas, surge a seguinte pergunta: como chegar a elas? Não quero levantar aqui considerações estratégicas ou pseudo-estratégicas, mas sim perguntar-me que tipo de mulheres ou de homens poderão realizar a transformação social necessária. Aí estão as raízes do problema. Para começar, podemos ter a impressão de que a verdadeira “regressão antropológica” provocada pelo capital, sobretudo nas últimas décadas, também alcançou quem poderia ou gostaria de se opor a ele. É uma mudança maior, à qual não sempre se dá suficiente atenção. A economia mercantil nasceu em setores muito limitados de alguns países; posteriormente, conquistou o mundo inteiro ao longo de dois séculos e meio, não só em sentido geográfico mas também no interior de cada sociedade (às vezes, chama-se esse processo de “colonização interna”). Pouco a pouco, qualquer atividade, qualquer pensamento ou sentimento, dentro das sociedades capitalistas, tomava a forma de uma mercadoria ou poderia ser satisfeito por mercadorias. Os efeitos da sociedade do consumo, e suas consequências particularmente nocivas ao introduzir-se no contexto das sociedades tradicionais consideradas “atrasadas” foram bem descritos (e aqui também poderíamos citar a Ivan Illich). Mas não está suficientemente claro o fato de que, devido a esta evolução, a sociedade capitalista já não aparece dividida simplesmente entre dominantes e dominados, explorados e exploradores, administradores e administrados, carrascos e vítimas. O capitalismo é, de maneira cada vez mais visível, uma sociedade governada pelos mecanismos anônimos e cegos, automáticos e incontroláveis, da produção de valor. Todos parecem ao mesmo tempo atores e vítimas desse mecanismo — ainda que, logicamente, os papéis assumidos e as recompensas alcançadas não sejam as mesmas.Nas revoluções clássicas, e no mais alto na Revolução Espanhola de 1936, o capitalismo era combatido por populações que o sentiam como uma exterioridade, uma imposição, uma invasão. Invocando valores, formas de viver e de concepção da vida humana totalmente diferentes. Sem tentar idealizá-las, constituíam, de certa maneira, uma alternativa qualitativa à sociedade capitalista. Mesmo que não o admitissem, esses movimentos extraíam boa parte de sua força do seu enraizamento em certos costumes pré-capitalistas: na inclinação ao dom, à generosidade, à vida em coletivo, ao desprezo pelas riquezas materiais como fim em si mesmo, e em outra percepção de tempo… Marx teve que admitir, ao final de sua vida, que o que restava da antiga propriedade coletiva de terra, em diversos povos, podia constituir uma base para uma sociedade comunista futura. Hoje, essas formas seguem existindo, sobretudo entre os povos indígenas da América Latina e deixo que vocês digam se podem formar a base de uma sociedade futura emancipada, que tenha profundas raízes no passado. Imagino que sua resposta é sim…Se isso constitui uma luz de esperança, é necessário reconhecer que significa também, por outro lado, que quase em todos os outros lugares, nos países chamados “desenvolvidos”, nas megalópoles do resto do mundo, e até nas zonas rurais mais remotas, os indivíduos sentem cada vez menos a mercadoria onipresente como uma submissão alheia às suas tradições. Talvez ela seja, ao contrário, um objeto de desejo. As reivindicações têm a ver essencialmente com as condições de sua participação neste reino, como já ocorreu com o movimento operário clássico. Seja na forma de um conflito salarial intermediado por sindicatos, ou de uma revolta nos subúrbios, a questão é quase sempre a de acesso à riqueza mercantil. É óbvio que tal acesso é geralmente necessário, para poder sobreviver na sociedade da mercadoria. Mas é igualmente certo que essas lutas não vislumbram a exigência de superar o sistema atual e criar outras maneiras de viver. De certo modo, o indivíduo que pertence às sociedades “desenvolvidas” de hoje parece estar mais distante do que nunca de uma solução emancipatória. Faltam-lhe as bases subjetivas de uma liberação; portanto, também o desejo desta, porque interiorizou o modo de vida capitalista (concorrência, êxito, rapidez etc). Em geral, seus protestos apontam o medo de ficar excluído desse modo de vida, ou de não alcançá-lo; em muitas poucas ocasiões o mero rechaço. A sociedade mercantil esgota as fontes vivas da imaginação entre as crianças, abusadas desde sua mais precoce idade por verdadeiras máquinas para descerebrá-los. Isso é ao menos tão grave como os cortes nas aposentadorias, mas não empurra milhões de pessoas a marchar nas ruas ou a assediar os produtores de videogames e de canais de televisão infantis.Os movimentos de protesto que aparecem agora no cenário não carecem de uma certa ambiguidade. Muitas vezes, as pessoas protestam simplesmente porque o sistema não cumpre com suas promessas. Dessa forma, manifestam-se pela defesa do status quo, ou ainda do status quo ante. Vejamos o movimento Occupy Wall Street e suas propagações. Ali, responsabiliza-se o setor financeiro, e Wall Street, pela crise atual. Afirma-se que a economia, e a sociedade em seu conjunto, estão dominadas pela esfera financeira. Segundo uma crítica das finanças, atualmente muito difundida, os bancos, os seguros, e os fundos especulativos não investem na produção real, mas canalizam quase todo o dinheiro disponível à especulação, que só enriquece aos investidores, destruindo empregos e criando miséria. O capital financeiro, segundo se disse, pode impor sua lei inclusive aos governos dos países mais poderosos — quando não prefere corrompê-los. Também compram aos meios de comunicação. Assim, a democracia se vai esvaziando de toda substância.Mas, quão seguros estamos de que o poder absoluto da esfera financeira, e as políticas neoliberais que as sustentam, são a causa principal das atuais turbulências? E se, ao invés, forem apenas o sintoma de uma crise muito mais profunda? Longe de ser um fator que perturba uma economia saudável em si mesma, a especulação é o que permitiu manter, durante as últimas décadas, a ficção da prosperidade capitalista. Sem as muletas oferecidas pela financeirização, a sociedade de mercado já teria caído, com seus empregos e também sua democracia. O que se anuncia por trás das crises financeiras é o esgotamento das categorias de base do capitalismo: mercadoria e dinheiro, trabalho e valor.Frente ao totalitarismo da mercadoria, não podemos nos limitar a gritar aos especuladores e outros grandes ladrões: “Devolvam nosso dinheiro!”. É necessário entender o caráter altamente destruidor do dinheiro, da mercadoria e do trabalho que os produz. Pedir ao capitalismo que se cure, para alcançar uma melhor repartição e tornar-se mais justo, é uma ilusão. As catástrofes atuais não se devem a uma conspiração da fração mais gananciosa da classe dominante; é muito mais a consequência inevitável dos problemas que são, desde sempre, parte da natureza mesma do capitalismo. Viver a crédito não é uma perversão corrigível, se não algo como um último espasmo do capitalismo..Estar conscientes de tudo isso permite evitar as armadilhas de um populismo que pretende libertar “os trabalhadores e produtores honestos” (vistos como simples vítimas do sistema) do domínio de um mal personificado pela figura do especulador. Salvar o capitalismo, atribuindo todos seus erros à atuação de uma minoria internacional de “parasitas”: isso já se viu antes na Europa.A única opção é uma verdadeira crítica da sociedade capitalista em todos os seus aspectos, e não só do neoliberalismo. O capitalismo não é unicamente o mercado: o Estado é sua outra cara (ao mesmo tempo que este está estruturalmente submetido ao capital). O Estado nunca pode ser um espaço público de decisão soberana. Inclusive em relação ao binômio Estado-Mercado, o capitalismo não é, ou já não é, uma mera coação que se impõe desde fora a sujeitos sempre refratários. Há muito tempo, o modo de vida criado pelo capitalismo é visto quase que em toda parte como altamente desejável — e seu fim possível, como uma catástrofe. Invocar a democracia (inclusive “direta” ou “radical”) não serve para nada, se os sujeitos cuja voz se pretende restituir são reflexos do sistema que os contém.É por isso que a assinatura “Somos os 99%”, que segundo se disse foi inventada por um ex-publicitário passado à anti-publicidade (Adbusters), Kalle Lasn, e que os meios consideram como “genial”, me parece delirante. Bastaria libertar-se do domínio dos 1% mais rico e mais poderoso da população para que todos os demais vivamos felizes? Entre esses 99%, quantos passam horas em frente a sua televisão, exploram seus empregados, roubam seus clientes, estacionam seu carro na calçada, comem no McDonald’s, batem em sua mulher, deixam seus filhos jogar videogames, fazem turismo sexual, gastam seu dinheiro comprando roupa de marca, consultam seus celulares a cada dois minutos — ou seja são parte integrante da sociedade capitalista? Herbert Marcuse já havia definido com muita clareza o paradoxo do verdadeiro círculo vicioso de qualquer esforço de libertação que, desde então, não deixou de se reiterar: para alcançar sua libertação, os escravos têm que ser livres.* * *Alguns poderão considerar que essas críticas são excessivas, pouco generosas ou mesmo sectárias. Argumentarão que o importante é que as pessoas por fim voltem a se mover, a protestar, que abram os olhos. Que as razões de sua rebelião irão se aprofundar; que seu grau de consciência vai elevar-se. É possível e, de fato, nossa salvação depende disso. Mas, para chegar a esse ponto, é indispensável criticar tudo o que é necessário criticar nesses movimentos, ao invés de correr atrás deles.Não é certo que qualquer oposição, qualquer protesto, é em si mesmo uma boa notícia. Com os desastres em cadeia que poderão ocorrer, com as crises econômicas, ecológicas e energéticas que vão se aprofundar, é absolutamente seguro que as pessoas vão se rebelar contra o que aconteça. Mas toda a questão é de saber como vão reagir: podem roubar as cenouras orgânicas cultivadas por um camponês ou envolver-se em uma milícia; podem organizar um inútil massacre de banqueiros o dedicar-se à caça aos imigrantes. Podem limitar-se a organizar sua própria sobrevivência no meio do desastre. Podem aderir a movimentos fascistas, que designam alguns culpados para vingança popular. Ou, ao contrário, podem lutar para a construção coletiva de uma melhor maneira de viver sobre as ruínas deixadas pelo capitalismo.Nem todo mundo irá se lançar a esta última opção; inclusive, ela continua sendo a mais difícil. Se atrair muito pouca gente, será esmagada. Por isso, o que podemos fazer hoje é essencialmente agir para que os protestos, que de qualquer modo não deixaram de surgir, tomem um bom caminho. Sem dúvidas, a presença dos traços procedentes das sociedades pré-capitalistas (em resistência anticapitalista pluri-secular) pode contribuir para a construção do bom caminho.

Notas:

(1) « O dinheiro tornou-se obsoleto? », La Jornada, 23/12/2011.

(2) Refiro-me em particular à palestra de Jérôme Baschet, «Anticapitalismo/postcapitalismo». Palestra realizada no “IIº Seminario Internacional de reflexión y análisis “Planeta tierra: movimientos antisistémicos”. CIDECI, dez-30 (20011) a jan-02 (2012).”

EZLN: Seminario “El Pensamiento Crítico frente a la Hidra Capitalista”

vendredi, mai 8th, 2015

EJÉRCITO ZAPATISTA DE LIBERACIÓN NACIONAL.

MÉXICO.

[para seguir transmissão ao vivo]: http://original.livestream.com/lostejemedios

[para ouvir/baixar os arquivos audio]: http://radiozapatista.org/?cat=6

[cobertura twitter ao vivo]: https://twitter.com/SubVersionesAAC e #EZLN , #Semillero

[Programação]:

SEMILLERO “EL PENSAMIENTO CRÍTICO FRENTE A LA HIDRA CAPITALISTA”:

Domingo 3 de mayo. Caracol de Oventik. 1000-1400. Se les pide que lleguen un poco antes de esa hora.
Inauguración a cargo de la Comandancia General del EZLN.
Don Mario González y Doña Hilda Hernández (video).
Doña Bertha Nava y Don Tomás Ramírez.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.
Juan Villoro.
Adolfo Gilly.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Traslado a las instalaciones del CIDECI en San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, a partir de las 1400 hrs.

Domingo 3 de mayo. CIDECI. 1800-2100.
Sergio Rodríguez Lazcano.
Luis Lozano Arredondo.
Rosa Albina Garavito.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Lunes 4 de mayo. CIDECI. 1000 a 1400.
María O’Higgins.
Oscar Chávez (grabación).
Guillermo Velázquez (grabación).
Antonio Gritón. Presentación de la Exposición Gráfica “La Hidra Capitalista”.
Efraín Herrera.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Lunes 4 de mayo. CIDECI. 1700 a 2100.
Eduardo Almeida.
Vilma Almendra.
María Eugenia Sánchez.
Alicia Castellanos.
Greg Ruggiero (escrito).
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Martes 5 de mayo, CIDECI. 1000 a 1400.
Jerónimo Díaz.
Rubén Trejo.
Cati Marielle.
Álvaro Salgado.
Elena Álvarez-Buylla.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Martes 5 de mayo. CIDECI. 1700 a 2100.
Pablo Reyna.
Malú Huacuja del Toro (escrito).
Javier Hernández Alpízar.
Tamerantong (video).
Ana Lidya Flores.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Miércoles 6 de mayo. CIDECI. 1000 a 1400.
Gilberto López y Rivas.
Immanuel Wallerstein (escrito).
Michael Lowy (escrito).
Salvador Castañeda O´Connor.
Pablo González Casanova (escrito).
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Miércoles 6 de mayo. CIDECI. 1700 a 2100.
Karla Quiñonez (escrito).
Mariana Favela.
Silvia Federici (escrito).
Márgara Millán.
Sylvia Marcos.
Havin Güneser, del Kurdish Freedom Movement.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Jueves 7 de mayo, CIDECI. 1000 a 1400.
Juan Wahren.
Arturo Anguiano.
Paulina Fernández.
Marcos Roitman (escrito).
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Jueves 7 de mayo, CIDECI. 1700 a 2100.
Daniel Inclán.
Manuel Rozental.
Abdullah Öcalan, del Kurdish Freedom Movement (participación escrita).
John Holloway.
Gustavo Esteva.
Sergio Tischler.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Viernes 8 de mayo. CIDECI. 1000 a 1400.
Philippe Corcuff (video).
Donovan Hernández.
Jorge Alonso.
Raúl Zibechi.
Carlos Aguirre Rojas.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Viernes 8 de mayo. CIDECI. 1700 a 2100.
Carlos González.
Hugo Blanco (video).
Xuno López.
Juan Carlos Mijangos.
Óscar Olivera (video).
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Sábado 9 de mayo. CIDECI. 1000 a 1400.
Jean Robert.
Jérôme Baschet.
John Berger (escrito).
Fernanda Navarro.
Participación de la Comisión Sexta del EZLN.

Clausura.

http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2015/04/30/programa-y-otras-informaciones-del-homenaje-y-seminario/

La tempête, la Sentinelle et le Syndrome de la vigie – ZAPATISTES

mercredi, avril 8th, 2015
source: http://www.le-serpent-a-plumes.antifa-net.fr/la-tempete-la-sentinelle-et-le-syndrome-de-la-vigie/
Traduction collective (@ValKaracole, @EspoirChiapas, et Le sⒶp) du communiqué de l’EZLN publié le 1er avril. Vous pouvez donc retrouver cette traduction sur le site d’Espoir Chiapas, ainsi que sur le site de Liaison Zapatiste.
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italiano: http://20zln.noblogs.org/supgaleano-la-tormenta-el-centinela-y-el-sindrome-del-vigia/
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español: http://subversiones.org/archivos/114876
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Chèr-e-s ? Ami-e-s et enemi-e-s : euh… bon… c’est que… c’est à dire… vous souvenez-vous qu’à la fin du texte du 19 Mars 2015 « Sur l’Hommage et le Séminaire » nous vous avions mit que l’organisation de ce séminaire était une pagaille ? Eh bien, nous  faisons ce que nous promettions : l’adresse électronique où vous envoyez vos données d’enregistrement est mauvaise, c’est pas ça,  c’est erroné, etc. 
L’adresse correcte est seminario.pensamientocritico15@gmail.com 
Ok, ok, ok, c’est pour moi. Cordialement: Ma pomme à moi!

La tempête, la Sentinelle et le Syndrome de la vigie.

 

Avril 2015. 
Aux Companeroas de la Sexta :
Aux Intéressé-es :
En dépit des apparences, ceci est une invitation… ou un défi ?
Si vous êtes adhérents à la Sexta, si vous êtes un média libre, autonome, alternatif, indépendant ou comme vous vous présentez, si vous êtes intéressés par la pensée critique, donc, prenez pour vous cette invitation au Séminaire « La Pensée Critique face à l’Hydre Capitaliste ». Si, en plus d’accepter cette invitation, vous voulez y assister, s’il vous plaît, suivez ce lienhttp://enlacezapatista.ezln.org.mx/registro-al-seminario-de-reflexion-y-analisis-el-pensamiento-critico-frente-a-la-hidra-capitalista/ 
Si vous avez été invitée, invité, invité-e comme intervenant-e, une missive similaire à celle-ci arrivera par le même biais que celui par lequel on vous a contacté. La différence se trouve que dans la carte d’invitation aux intervenant-e-s se trouve une « clause secrète ».
Bien l’invitation est, comme qui dirait, l’enveloppe
Dedans, plus en bas et à gauche, se trouve…

Le Défi.

Oh je sais. Les classiques débuts des réflexions zapatistes: déconcertants, anachroniques, déplacés, absurdes. Comme réticents, comme juste comme ça, comme « on les pose là », comme « là, vous voyez », comme « ça va de soi ». Comme si vous jetiez une pièce de puzzle et que vous espériez qu‘il soit évident que ça ne décrit pas une partie de la réalité, mais qu’ils imaginent l’image complète. Comme si vous regardiez le puzzle déjà terminé, avec ses formes et couleurs parfaites, mais grâce aux bords des pièces visibles, comme en notant que l’ensemble l’est grâce aux parties, et, clairement que chaque partie prend son sens dans sa relation avec les autres.

Comme si la réflexion zapatiste appelle à voir qu’il manque ce qu’il manque, et pas seulement ce qu’il y a, ce qui se perçoit immédiatement.
Un peu comme ce qu’a fait Walter Benjamin avec « l’Angelus Novus » de Paul Klee. En réfléchissant sur la peinture, Benjamin la « complète »: il voit l’ange, mais aussi il voit que l’ange voit, il voit jusqu’à ce qu’il soit frappé par ce qu’il voit, il voit la force qui l’agresse, il voit l’empreinte brutale. Il voit le puzzle complété : 

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« Il y a une peinture de Klee qui s’appelle Angelus Novus. Dans celle-ci on voit un ange qui parait sur le point de s’éloigner de quelque chose qui le paralyse. Ses yeux regardent fixement, il a la bouche ouverte et les ailes étendues; c’est ainsi qu’on peut s’imaginer l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Où nous percevons une chaîne d’évènements, lui voit une catastrophe unique qui amoncelle ruine sur ruine et les jette à ses pieds. Il voudrait bien rester, réveiller les morts et reconstruire ce qui est en pièce, mais depuis le Paradis souffle un ouragan qui s’enchevêtre dans ses ailes, et qui est tellement fort que l’ange ne peut plus les fermer. Cet ouragan le pousse irrésistiblement vers le futur, auquel il tourne le dos, alors que les débris s’élèvent face à lui jusqu’au ciel. Cet ouragan c’est ce que nous appelons progrès. » (X, « Thèse sur la philosophie de l’histoire »)

Donc c’est comme si nos réflexions étaient un défi, une énigme de Sphinx, un défi de Mr. Bane, un passe-partout dans les mains du Joker alors qu’il demande : « Pour quoi êtesvous si sérieux ? ».
Comme si le chat-chien, super héros et super vilain, Sherlock et Moriarty, faisait irruption avec une avalanche de questions : que regardons-nous ? pour quoi ? jusqu’à quand ? depuis quand ? dans quel but ? 
C’est comme si nous pensions au monde, interrogeant sa tournure maladroite, débattant de sa course, défiant son histoire, contestant la rationalité de ses évidences.  
C’est comme si, pour un moment à peine, nous étions… 
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La Sentinelle.

 

Vous pouvez voir que, d’habitude, dans une installation militaire il y a des postes en périphérie. On les appelle « Postes d’Observation », « Postes de Garde » ou « Postes de la Vigie ». Le travail de ces postes est de surveiller les alentours et les accès à l’établissement, de façon à savoir ce ou qui approche ou bouge ou reste aux alentours du lieu. Bien, ces postes de surveillance (dans les campements zapatistes on les appelle « le relais », j’en ignore la raison; par exemple, nous disons « t’es de relais à 00h00″, « la relève du relais est à 12h00″, etc.) prévient ou avertit le reste de l’installation, et retient ou détient qui tente de rentrer sans autorisation. Celui qui occupe le poste d’observation c’est le garde, la vigie, la sentinelle. En plus d’observer et d’être attentif à ce qui se passe, la sentinelle est celui qui donne l’alarme en cas d’attaque et face à toute éventualité.
Selon nous, femmes et hommes zapatistes, la réflexion théorique, la pensée critique fait ce travail de sentinelle. Celui qui travaille avec la pensée analytique, c’est son tour de garde au poste de vigie. Je pourrais m’étendre sur la place de ce poste dans le tout, mais pour l’instant il suffit de dire que c’est une partie aussi, rien de plus, mais rien de moins. Je dis ça pour celles, ceux et celleux (ne pas oublier l’égalité de genre et la reconnaissance de la diversité) qui prétendent :
.- Soit être au-dessus et en-dehors du tout, comme quelque chose à part, et se cacher derrière « l’impartialité », « l’objectivité », « la neutralité ». Et qui disent qu’ils analysent et réfléchissent depuis l’asepsie d’un impossible laboratoire matérialisé dans la science, la chaire, la recherche, le livre, le blog, le credo, le dogme, la consigne.
.- Soit qui détournent leur rôle de vigies et s’attribuent celui de nouveau grand-prêtres doctrinaires. Tout en étant à peine des sentinelles, ils se comportent comme s’ils étaient le cerveau dirigeant se changeant en tribunal pénal selon leur convenance. Et depuis là-bas ils ordonnent ce qui doit être fait, ils jugent et absolvent ou condamnent. Bien qu’il faille leur reconnaître que le fait que personne ne leur prête attention, démontrant que la réalité est toujours rebelle, ne les inhibe pas dans leur délire (éthylique, pas peu de fois).
La sentinelle a quelque chose à voir avec le poste de surveillance en question. Mais nous reviendrons là-dessus dans l’une ou l’autre de nos interventions durant le séminaire.
Pour l’instant, il suffit de dire que, accablé, dépassé par la tache d’observation critique dans un monde trompeusement instantané, lors de son tour de garde, le vigile peut tomber dans…
-*-

Le Syndrome de la Vigie.

 

Bon, en fait il se trouve que la sentinelle « épuise » sa capacité de vigilance après un temps.
Cet « épuisement » (que nous, femmes et hommes zapatistes appelons « le syndrome de la vigie ») consiste, grosso modo, en ce que la personne qui est au poste de surveillance développe, après un temps où il est de garde, une espèce de « perception en boucle » ou « constance de la perception ». C’est-à-dire qu’il reproduit dans sa perception consciente encore et encore la même image, comme si rien ne changeait, ou comme si les changements faisaient partie de la normalité même de l’image. Cela a à voir, je suppose, avec quelque chose de la perception visuelle, mais aussi avec le désir que rien ne vienne altérer la routine. Ainsi, par exemple, le vigile ne souhaite pas qu’un danger survienne, et ce désir il le projette sur ce qu’il surveille. « Tout va bien, il ne va rien arriver de mal », se répète-t-il encore et encore, et ce désir se projette sur son évaluation de la réalité. Son objectif est de pouvoir remettre un rapport de surveillance laconique: « rien de nouveau« .
Ce que je vous explique est le fruit d’une observation empirique, pas d’une étude scientifique. Après des années et des années de vigilance, c’est ce que nous concluons de notre propre (et réduite) expérience. Avec le doute persistant de science ou us et coutumes, nous demandons à quelqu’un s’il en est question en neuroscience. Il nous a dit que le phénomène existe, bien que ne soit pas précisé le mécanisme qui le provoque (avant que vous ne vouliez me mettre en travers de la gorge les différents courants ou positions en psychologie, je précise que la seule chose confirmée c’est que le phénomène est réel, vérifiable). Bon maintenant, pourquoi ça arrive ? bon, voyez vous-même – il serait bon que,  par rapport à ça, vous vous mettiez d’accord sur ce qu’est l’objet de connaissance de la « science » de la psychologie -.
Bon, cette personne nous a expliqué ce qu’est « l’attention sélective » et nous a envoyé un livre de ceux d’avant (c’est-à-dire qu’on comprend ce qui est expliqué). En quelques mots, il s’agit du fait que nous ne portons attention seulement qu’à une petite partie de ce que nous voyons à un moment donné et que nous ignorons le reste. Bon, hé bien ce reste que nous ignorons c’est la « cécité au changement » ou « cécité par inattention ». C’est comme si, en filtrant les parties de l’image que nous voyons, nous devenions aveugles à ce que nous n’avons pas sélectionné comme important.
Pour l’instant nous n’allons pas développer ceci, mais, en résumé, le « syndrome de la sentinelle » consiste en ce que:
a).- Tout n’est pas surveillé, mais juste une partie de ce tout. 
b).- Lorsqu’il se « fatigue », le garde ne perçoit plus les changements qui se présentent dans la zone surveillée parce qu’ils lui sont imperceptibles (c’est-à-dire, ils ne sont pas dignes d’intérêt).
Pour compenser cela, nous utilisons divers moyens :
L’un d’eux c’est la surveillance non directe, la « vision périphérique » ou, en langage courant, « regarder du coin de l’œil ». C’est que le regard indirect permet de détecter les altérations de la routine. Il doit aussi y avoir une explication de cela dans la neuroscience, mais je crois que nous manquons d’études.
Les autres manières de parer à la fatigue de la sentinelle, sont : mettre deux vigiles ou plus couvrant le même point; ou réduire le temps de surveillance et augmenter la fréquence de la relève.
Il peut et il y a d’autres manières pour que la tache de la sentinelle soit accomplie.
Mais l’important c’est qu’il faut être attentif à tout signal de danger. Il ne s’agit pas alors d’avertir du danger lorsqu’il est déjà là, mais de regarder les indices, les évaluer, les interpréter, en somme, les penser de façon critique.
Par exemple: ces gros nuages à l’horizon, est-ce qu’ils signifient que vient une pluie passagère ? quelle est son intensité ? elle se dirige vers ici ou elle s’éloigne
Ou est-ce quelque chose de plus grand, de plus terrible, de plus destructeur ? S’il en est ainsi, il faudra alerter tout le monde de l’imminence de…

La Tempête.

 

Bon, l’affaire c’est que nous, hommes, femmes, zapatistes, nous voyons et nous entendons que s’approche une catastrophe dans tous les sens du terme, une tempête.
Mais…, il se trouve que nous, femmes, hommes, zapatistes, nous voyons et entendons aussi que des personnes ayant de grandes connaissances disent, parfois en livrant leur parole, toujours avec leur comportement, que tout continue comme avant.
Que ce que nous présente la réalité ne sont que de petites variations qui n’altèrent en rien d’important le paysage.
C’est-à-dire que nous, femmes, hommes, zapatistes, nous voyons une chose, et eux une autre.
Parce que nous voyons que sont toujours utilisées les mêmes méthodes de lutte. On continue avec les marches, réelles ou virtuelles, les élections, les enquêtes, les meetings.  Et, de façon concomitante, surgissent et se développent les nouveaux paramètres du « succès », une espèce d’applaudimètre qui, dans le cas des marches de protestation, est inversé: mieux tu te portes (c’est-à-dire moins tu protestes), plus grand est sont succès. Et des organisations des partis politiques, se font, des plans sont tracés, des stratégies et des tactiques, en faisant de véritables tour d’adresse avec les concepts.
Comme si étaient équivalents État, Gouvernement et Administration.
Comme si l’État était le même, comme s’il avait les mêmes fonctions qu’il y a 20, 40, 100 ans.
Comme si le système était aussi le même et de même les formes de soumissions, de destruction. Ou, pour le dire à la manière de la Sexta: les mêmes formes d’exploitation, répression, discrimination et spoliation.
Comme si en haut le Pouvoir avait maintenu son fonctionnement invarié.
Comme si l’hydre n’avait pas régénéré ses multiples têtes.
Nous pensons donc que chez nous ou chez eux, il y a le « syndrome de la sentinelle ».
Et nous, hommes, femmes, zapatistes, nous regardons du coin de l’œil ces mouvements dans la réalité. Nous portons alors une plus grande attention, nous montons au plus haut de l’arbre fromager pour essayer de voir plus loin, non pas ce qui se passe, mais ce qui vient.
Bon, hé bien ce que nous voyons n’a rien de bon.
Nous voyons qu’arrive quelque chose de terrible, plus destructeur si c’était possible.
Mais d’autres fois nous voyons que celles et ceux qui pensent et analysent ne disent rien de tout ça. Ils continuent de répéter la même chose qu’il y a 20 ans, 40 ans, un siècle.
Et nous voyons que des organisations, des groupes, des collectifs, des personnes, continuent de même, présentant de fausses options excluantes, jugeant et condamnant l’autre, le différent.
Et plus : nous méprisant pour ce que nous disons voir.
Bon alors, vous voyez, nous sommes zapatistes. Et cela veut dire beaucoup de choses, tellement que dans les dictionnaires de votre langue il n’existe pas de mot pour ça.
Mais ça veut aussi dire que nous pensons toujours que nous pouvons nous tromper. Que peut-être tout continue sans changements fondamentaux. Que peut-être le Commandeur continue de commander de la même manière qu’il y a des décennies, des siècles, des millénaires. Qu’il se peut que ce qui vient ne soit rien de grave, mais à peine une décompensation, un réarrangement de ce qui ne vaut même pas la peine.
Donc ou bien aucune pensée, analyse, théorie, ou bien la même chose que toujours.
Alors nous, hommes, femmes, zapatistes, nous pensons que nous devons demander à d’autres, d’autres calendriers, de géographies différentes, ce qu’ils voient.
Je crois que c’est comme quand à un malade on lui dit que oui en effet, c’est très grave, c’est-à-dire qu’il est « foutu », comme on dit ici. Et donc bon, comme on dit, il faut chercher une deuxième opinion.
Nous disons alors que la pensée, la théorie, sont en train d’échouer. Que ce soit la nôtre qui échoue, que ce soient les autres pensées qui échouent. Ou peut-être que ce sont les deux qui échouent.
Bon donc, nous sommes méfiants, méfiantes, bien évidemment. Mais oui nous faisons un peu confiance aux compañeras, compañeros et compañeroas de la Sexta. Mais nous savons bien que le monde est très vaste, qu’il existe des autres qui elles, eux, elleux aussi se dédient à ça, penser, analyser, regarder.
Nous pensons alors que nous avons besoin de penser le monde, et aussi de penser de cette manière chacun son calendrier et sa géographie.
Et nous pensons que ce serait encore mieux si nous faisions maintenant une sorte d’échange de pensées. Pas comme on parle d’échange de marchandises, comme dans le capitalisme, mais comme si nous faisions un marché moi je te dis ce que je pense et toi tu me dis ce que tu penses. Ou comme un réunion de pensées.
Mais nous ne pensons pas alors qu’il s’agit d’une réunion et rien d’autre, mais qu’elle doit être grande, très grande, mondiale dit-on.
Et bon, nous, hommes, femmes, zapatistes, nous ne savons pas grand chose. Enfin peut-être en luttant savons-nous quelque chose de nos compañeroas, compañeras y compañeros de la Sexta.
Nous voyons alors que ces réunions de pensées sont appelées en certains lieux « séminaires », nous croyons que parce que « séminaire » veut dire « pépinière » c’est-à-dire qu’ici se trouvent des graines qui parfois grandissent vite et parfois prennent leur temps. 
Et donc nous disons que nous faisons une pépinière d’idées, d’analyses, de pensées critiques de « où en est actuellement le système capitaliste ».
Alors le séminaire ou pépinière n’est pas un lieu unique ni dans un temps unique. Mais qu’il dure et qu’il est en plein d’endroits.
Et alors, hé bien c’est pour ça que nous disons que c’est disloqué, c’est-à-dire pas tout en un seul lieu, mais en plein de morceaux et en plein d’endroits. Et nous disons que c’est mondial, bon, hé bien parce que dans tous les mondes il y a des pensées critiques, qui se demandent ce qui se passe, pourquoi, quoi faire, comment, et ces choses qui se pensent dans la théorie.
Mais alors, nous pensons, ça commence en un lieu et en un temps.
Alors, hé bien, commence quelque part cette pépinière collective, et ce lieu est un escargot zapatiste. Pourquoi? Et bien parce qu’ici les peuples zapatistes, nous utilisons l’escargot pour alerter et pour appeler le collectif.
Et donc, par exemple, s’il y a un problème de la communauté, ou une affaire à résoudre, hé bien on joue de l’escargot et hop tout le village sait qu’il y a une réunion du collectif pour que la pensée dise sa parole.
Ou pour voir comment faire pour résister.
Nous disons donc que l’escargot est un instrument de la sentinelle. Avec lui il prévient qu’il y a un danger.
Le lieu est donc, hé bien, un escargot zapatiste: le caracol d’Oventik, montagnes du sud-est mexicain, Chiapas, Mexique.
Et la date du commencement c’est le 3 mai. Pourquoi le 3 mai ?
Bon, chez nos peuples c’est le jour des semis, de la fertilité, de la récolte, de la graine. C’est le jour de la Sainte Croix.
Les peuples ont pris l’habitude de planter une croix là où naît la rivière, le ruisseau ou la source qui donne vie au village. C’est comme ça qu’on signale que c’est un lieu sacré. Et c’est sacré parce que c’est l’eau qui donne la vie. Alors le 3 mai c’est le jour pour demander de l’eau pour la semence et la bonne récolte. Les habitants vont alors là où naît l’eau pour lui faire des offrandes. C’est-à-dire qu’en parlant à l’eau, ils lui donnent leurs fleurs, ils lui donnent leur tasse d’atole, leur encens, leur bouillon de poulet sans sel. Chez d’autres peuples ils lui donnent un petit verre de gnôle, mais chez les peuples zapatistes l’alcool est interdit et donc ils donnent à l’eau un rafraîchissement. Le bouillon de poulet qu’on donne à l’eau est sans sel, pour que l’eau ne se dessèche pas. En même temps qu’ils sont dans cette cérémonie d’offrande, ils jouent de la musique et tou-te-s, enfants, jeunes, ancien-ne-s commencent leur danse. Et quand l’offrande prend fin, commence la communion du peuple. Ils répartissent la nourriture qu’ils ont amenée : atole aigre, poulet, haricots, calebasse. Tout ce qui est nourriture, ils le mangent là collectivement, près de la naissance de l’eau. Et quand c’est fini, ils rentrent chez eux. Et alors par une pure allégresse, ils continuent de danser dans le village et ils mangent ensemble et ils prennent un café avec du pain. Il y a aussi des comp@s zapatistes qui sont maçons, et alors ils le fêtent aussi et ils racontent qu’ils font une croix de n’importe quel bois qu’ils trouvent et qu’ils la posent quand ils commencent la construction. Ils disent que c’est parce que c’est de la responsabilité du travailleur. C’est-à-dire que le travailleur devient ainsi responsable de la construction et que ça lui donne l’envie que ce soit bien, parce que c’est à lui qu’on doit que ce soit bien.
Alors bon voilà vous savez. Là vous voyez. Accepter ou non le défi, à vous de jouer.
Attention : ce qui suit est seulement pour les intervenant-e-s. C’est-à-dire que ça ne sera que sur les invitations formelles que nous envoyons aux intervenant-e-s. Ne le publiez donc pas parce que c’est une…

Clause secrète :

 

Tout ça pour que vous compreniez, comme on dit, le contexte du séminaire. 
Qu’attendons-nous de vous ? 
Eh bien, il faut comprendre que des gens viennent de loin, qui font le sacrifice de leur salaire et leur temps pour venir écouter ce que vous allez exposer. Ils ne viennent pas pour le plaisir, ni parce qu’ils vont gagner quelque chose. Ils ne viennent pas pour la mode ou par ignorance. Ils viennent peut-être parce qu’ils voient les nuages dans leurs horizons, parce que les pluies et les vents les frappent déjà, parce que la famine ne se soucie pas d’essayer de comprendre, parce qu’ils sentent l’orage approcher.
Tout comme nous, hommes, femmes, zapatistes, nous vous respectons, nous vous demandons de respecter ces personnes. Il y aura des infiltré-e-s bizarre, mais la plupart sont nos comp@s. Ce sont des gens qui vivent et meurent en luttant, personne, à part nous, hommes, femmes, zapatistes, n’en garde la trace. Pour elleux, il n’y a ni musées, ni statues, ni chansons, ni poèmes, et leurs noms ne sont ni sur les rames de métro, ni les rues, ni les quartiers. Ils ne sont personne, c’est sûr. Et ce n’est pas en dépit de cela, mais c’est précisément pour ça que, pour nous, femmes, hommes, zapatistes, ils sont tout.
Ainsi donc, ne vous offensez pas, mais n’apportez pas de slogans, de dogmes, actes de foi, modes; ne répétez pas ce que d’autres ont déjà dit avant ou ailleurs; n’encouragez pas la pensée paresseuse; n’essayez pas d’imposer la pensée dogmatique; ne diffusez pas la pensée mensongère.
Nous vous demandons d’apporter votre parole et qu’elle provoque la pensée, la réflexion, la critique. Nous demandons que vous prépariez votre message, que vous l’aiguisiez, que vous lui donniez du lustre. Qu’avec l’honneur, non du milieu universitaire et de ses pairs, mais de celui qui le reçoit, il soit comme un tremblement ou une gifle, ou un cri. 
La graine qu’appelle ce séminaire ou pépinière nous disions, est celle qui questionne, provoque, encourage, pousse à continuer à penser et à analyser. Une graine pour qu’il y ait d’autres graines qui entendent qu’il faut pousser et fassent à leur manière, en fonction de leur calendrier et de leur géographie.
Oh, oui, nous le savons : cela ne va pas accroître votre prestige, ni votre compte bancaire, ni votre côte de popularité. Mais on verra si vous avez de nouveaux adeptes, disciples, troupeaux.
En effet, le seul signe de réussite ne se verra pas, et ce sera que dans de nombreux endroits, dans d’autres calendriers et diverses zones géographiques, d’autres hommes, d’autres femmes, d’autres autres, défient tout et discutent, débattent, questionnent, critiquent, imaginent, croient.
C’est ce que nous demandons. Seulement ça !
Depuis la conciergerie de la Petite École, accréditée maintenant comme « Office du protocole, de la conception et impression des invitations pour les mariages, les XV ans, les divorces, les baptêmes, les avancements frustrés, les séminaires et autres », en accrochant des enseignes qui disent « Ne te fies pas à aujourd’hui, pas plus que demain » , « Bouées de sauvetage sur demande  » ,  » Prenez votre lorgnette, pirate, barrez-barrez-le-tout-juridique-mon-cher-qu’est-ce-qui-se-passsssssssse » ,  » Dans cet établissement  pas de discrimination fondée sur la myopie ».
Le SupGaleano.
Mexique, avril 2015. 
Hep, hep. Arrêtez votre voiture. L’adresse électronique où vous envoyez vos informations d’enregistrement n’est pas correcte. Elles doivent être envoyées à : seminario.pensamientocritico15@gmail.com. Pour votre compréhension, merci (que les injures soient à l’amande, elles n’ont pas lieu d’être).